Dans un article publié le 16 décembre dans la revue Science*, la NASA communique des données nouvelles concernant le méthane sur Mars.
En Septembre 2013, les premières observations du spectromètre TLS du laboratoire SAM embarqué sur Curiosity (TLS pour « Tunable Laser Spectrometer »), avaient amené Chris Webster à déclarer : «Nous avons pris des mesures à plusieurs reprises, du printemps à la fin de l’été martien, mais nous n’avons pas détecté de méthane ». Cette déclaration venait en contradiction d’observations antérieures effectuées durant plusieurs années et jusqu’en 2003 depuis la Terre (télescopes W.M. Keck et Infrared Telescope Facility situés à Hawaï) et entre 1999 et 2004 depuis le satellite Mars Global Surveyor en orbite autour de Mars. La parole de Chris Webster n’était pas à prendre à la légère car il était (et il est toujours) le chef de recherche principal pour le spectromètre TLS qui fait partie du laboratoire SAM de Curiosity.
Le spectromètre laser ajustable ou TLS développé pour SAM par le JPL. Le Goddard Spaceflight Center est responsable de SAM qui comprend aussi une importante part française (doc. NASA/JPL-Caltech)
Cependant, comme les émissions étaient extrêmement faibles, elles n’avaient pu être détectées qu’à la limite de sensibilité des spectromètres utilisés. Il était donc toujours possible que la bande d’absorption du méthane n’ait pas clairement été discernée alors que le TLS était beaucoup plus sensible et sur place (le sol de Mars). Il semblait aussi que le méthane étant certes un gaz fugace, devait demeurer dans l’atmosphère plusieurs centaines d’année alors que sur Mars il semblait suivre un cycle saisonnier (apparition à la fin du printemps, disparition à la fin de l’automne).
Aujourd’hui la NASA, représentée par le même Chris Webster et nombre d’autres scientifiques éminents, revient sur les premières observations avec de bonnes raisons et de bonnes justifications pour son « cafouillage » initial. En effet, depuis Sept. 2013, Curiosity a fait d’autres observations avec son TLS et, sur un fond anormalement pauvre en méthane (0,69 ppbv), il a constaté des émissions irrégulières (des « pics »), nettement plus élevées (7,2 ppbv) mais de petits volumes et très courts, se dissipant de ce fait assez vite dans l’atmosphère.
Les détections de méthane par Curiosity fonction du temps de la mission en jours martiens ou sols (doc. NASA/JPL-Caltech)
La localisation de ces émissions est impossible avec les instruments dont dispose Curiosity car elles proviennent aussi bien du Nord que du Sud mais avec une dominance Sud dans la journée. Comme aucune chute météoritique importante n’est corrélée (elle aurait dû avoir plusieurs mètres de diamètre et laisser un cratère de plusieurs dizaines de mètres), on doit chercher d’autres causes. On doit exclure également la libération de gaz inclus dans des clathrates (gaz enfermé dans de la glace d’eau) du pergelisol ou dans du régolite car les émissions sont trop localisées et trop courtes. Reste une méthanogénèse à partir de l’olivine dont le sol de Mars est très riche, ou à partir d’une activité biotique présente ou passée et encore non totalement épuisée. Mais à vrai dire on n’a pas actuellement d’explication
Les mécanismes possibles de création et disparition du méthane sur Mars (NASA/JPL-Caltech/SAM-GSFC/Univ. of Michigan)
On constate une fois de plus que l’exploration de Mars s’avère difficile et requiert non seulement des instruments particulièrement sensibles mais aussi beaucoup de mobilité. Encore une fois, dans cet esprit, rien ne pourra remplacer l’homme assisté de robots mobiles et adaptables. Pensons par exemple à des drones que l’on pourrait équiper d’un « nez » qui permettrait à l’engin d’aller se localiser sur la source d’une telle émission fugace.
*Ref : « Mars methane detection and variability at Gale Crater » in Science Express dd 16 Ded. 2014 page 1 Doi: 10.126/Science.1261713, par Christopher R. Webster et al. Cet article est disponible (en anglais) ici
Une vidéo des 52 mn de la conférence de presse JPL (en anglais) est disponible ici