Toutes les bonnes choses ayant une fin, et tout ce qui a commencé devant finir, c'est désormais officiel : la sonde Phoenix Mars Lander est morte.
Prise dans le froid hivernal de l'hémisphère Nord de la planète rouge, la petite sonde aura tenu bien plus que les 90 jours initialement prévus. En fait, elle a tenu du 25 mai 2008 au 2 novembre 2008, date du dernier message reçu par la NASA soit 162 jours terrestres !
Voici le dernier bulletin météo complet transmis par la sonde.
Les responsables de la Nasa ont officiellement annoncé ce 10 novembre qu'ils ne parvenaient plus à communiquer avec la sonde et qu'ils mettaient fin, de ce fait, à cette mission polaire entamée depuis plus de cinq mois sur la planète Mars.
Lancée le 4 août 2007, la sonde s'était posée sur Mars le 25 mai dernier, dans une région périglaciaire au paysage monotone mais fascinant de ressemblance d'avec quelques paysages sibériens. Le sol en effet y est carrelé de polygones présents en sub-surface et constitués de glace d'eau presque pure…
La suite fut compliquée à gérer pour les ingénieurs et les scientifiques de la NASA, car avec de nombreuses pannes et quelques difficultés locales (un terrain plus dur que prévu et une tempête de poussières notamment), ce fut toute une série de mauvaises conceptions des instruments et de la sonde qui empêcha le bon déroulement de la mission.
La fin de la sonde fut alors précipitée à l'approche de l'automne, avec des jours de plus en plus courts, un Soleil plus bas sur l'horizon et donc moins d'ensoleillement sur les panneaux solaires et des baisses de températures progressives affectant les systèmes du bord (de -45°C le jour à -89°C la nuit). Pour couronner le tout, une tempête de poussières est venue ternir le ciel local, réduisant encore l'ensoleillement.
Ainsi, le 28 octobre dernier (sol 152), l'utilisation du bras robotique avait été arrêtée et l'atterrisseur s'était transformé en simple station météorologique. Le bras avait toutefois été positionné de sorte à ce que la sonde TECP (Thermal and Electrical Conductivity Probe) soit plantée dans le sol, pour y réaliser des mesures de conductivité électrique.
Peut-être qu'un jour, un astronaute ira visiter la sonde Phoenix comme sur cette vue d'artiste où il visite la sonde Viking 2…
Mais un premier bilan peut néanmoins être dressé, en attendant les prochains mois, et les communications scientifiques officielles et complémentaires.
Voici les 10 éléments majeurs de cette mission :
1/ l'atterrissage fut une réussite totale (EDL presque parfait, observation de l'EDL par MRO parfaite),
2/ Phoenix a montré qu'à l'été boréal, il n'y avait pas de glace en surface à cette latitude,
3/ Phoenix a montré qu'à cette latitude, la surface est constellée de sols polygonaux. Le sous-sol regorge en fait de lentilles de glace d'eau presque pures (ce n'est pas du pergélisol mais bien de la glace d'eau),
4/ Phoenix a montré qu'à cette latitude, les particules du sol sont collantes et difficile à dissocier (et donc à tamiser),
5/ Phoenix a montré que le pH du sol martien à cet endroit est basique (8 à 9) et alcalin (présence de Na, Ca, K, Cl, Mg…). Il n'y a donc pas de super-oxydes sur Mars !
6/ Phoenix a également mis en évidence dans le sol la présence de ce qui pourrait être du Perchlorate (HClO4), soit des sels d'acides ! Il pourrait donc y avoir des oxydants dans le sous-sol,
7/ Phoenix a mis en évidence dans le sol la présence de Carbonates de Calcium (TEGA et MECA) ainsi que d'argiles (microscope à force atomique),
8/ Phoenix a réalisé des mesures diurnes et nocturnes détaillées de l'atmosphère martienne durant toute sa mission et montré notamment qu'il neigeait en altitude,
9/ Phoenix n'a pas réussi a creuser aussi profondément que prévu la sub-surface (25 cm de profondeur au lieu de 50 à 100 cm),
10/ Phoenix démontre définitivement qu'il faut être mobile sur Mars et non plus fixe et qu'il vaut mieux être équipé de RTG que de panneaux solaires…
De manière plus détaillée, voici un premier bilan du fonctionnement des instruments scientifiques du bord :
Le bras robotique
Ce système de prélèvement des échantillons, d’une force initiale de 80 Newtons, s'est révélé totalement inadapté pour la récolte de glace d'eau martienne beaucoup plus dure que prévue. Malgré un ensemble d’outillages dont un petit godet, même l’approvisionnement des instruments par ce bras robotique sophistiqué ne fut pas efficace. Le bras aura réalisé au moins 9 tranchées (Snow White, Neverland, Cupboard, Dodo-Goldilocks, Runaway, Rosy Red, Stone Soup, Burn Alive, The Mancha) dont la plus profonde atteint à peine 25 cm.
La sonde (TECP) permettant de mesurer la conductivité thermique et électrique du sol a pu être utilisée à plusieurs reprises. Les résultats n'ont pas été communiqué…
Le laboratoire TEGA (Thermal and Evolved Gas Analyzer)
Sur les huit fours de cet instrument :
– four n°0 : seules trappes à s’être ouvertes correctement (sol 53). Deux tentatives vaines ont lieu au sol 60 et au sol 62 pour alimenter le four en échantillons de glace. Le four est finalement correctement approvisionné en échantillons au sol 64 (tranchée " Snow White "). L'analyse peut se faire et la température de 1000°C est atteinte. Résultat : de la glace d'eau a été détecté par le spectromètre de masse de TEGA. C'est la première fois que la glace martienne est touchée par un instrument.
– four n°1 : a tenté deux fois des analyses de prélèvements riches en glace. Ces essais ont échoué.
– four n°2 : four dédié aux tests de calibration du TEGA. A partir de l’Organic Free Blank (du matériau en céramique purifié de toute trace de carbone aussi appelé macor) est mis en contact avec du sol martien pour analyses. Les tests ne se sont pas déroulés correctement. Alimentation en échantillons au sol 107.
– four n°3 : les deux trappes sont restées totalement fermées, bloquées pour une raison inexpliquée.
– four n°4 : four correctement approvisionné en échantillons malgré une trappe à moitié ouverte. La température de 1000°C a été atteinte malgré peu avant un court-circuit engendré par l'utilisation prolongée du mode vibratoire pour faire descendre les échantillons sous le tamis.
– four n°5 : four correctement approvisionné en échantillons malgré les deux trappes tout juste entrouvertes, le 11 août. Les échantillons proviennent de la tranchée " Rosy Red ".
– four n°6 : four approvisionné en échantillons le 7 octobre (sol 131). Un 2ème approvisionnement a été réalisé le 13 octobre (sol 137). Il semble que l’analyse n’ait pas pu aller jusqu’aux 1000°C.
– four n°7 : four correctement approvisionné en échantillons au sol 79 (échantillon prélevé à mi-chemin entre la surface et le sol glacé).
Au total, cinq fours seulement (0,4,5,6 et 7) ont pu être approvisionné et quatre (0,4,5 et 7) ont pu mener à bien le cycle d'analyse complet (chauffage progressif des échantillons jusqu'à 1000°C et analyse des gaz résultant du chauffage). Par ailleurs, il est à noter que des difficultés sont survenues lors du transport des gaz vers le spectromètre de masse chargé d’analyser les produits du chauffage. Il s’agit peut-être d’une erreur de conception… L’instrument TEGA a donc été très en-dessous des espoirs que l’on avait mis en lui.
Le laboratoire de chimie MECA (Microscopy, Electrochemistry and Conductivity Analyzer)
Ce laboratoire de chimie humide comportait quatre cellules :
– Cellule n°0 : livraison d’un échantillon le 25 juin (sol 30),
– Cellule n°1 : livraison d’un échantillon le 6 juillet (sol 41),
– Cellule n°2 : livraison d’un échantillon le 14 septembre (sol 108),
– Cellule n°3 : livraison d’un échantillon le 31 août (sol 96), puis d’un autre le 7 septembre (sol 102) et d’un dernier le 12 septembre (sol 107).
Les quatre cellules ont été alimenté en échantillons de sol, mais trois seulement (0, 1 et 2) ont pu réaliser les analyses correctement. La cellule n°3 a reçu plusieurs échantillons, mais une pyramide, un "pâté" s’est formé à l’entrée et les échantillons n'ont pas pu passer le tamis…
Expérience météorologique
C’est de loin l’instrumentation qui a la mieux fonctionné. Elle a relevé quasiment jour et nuit, l’ensemble des paramètres prévus. La station météorologique canadienne, avec son laser (un "Lidar") pour l'analyse de l'atmosphère, ses instruments de mesure des températures et de vitesses des vents, a parfaitement rempli son rôle.
A noter : l’observation au sol 104 (9 septembre) de tourbillons de poussières (les fameux "Dust Devils").
Les caméras d’imagerie
Près de 25 000 images ont été prises par les caméras de Phoenix, jusqu’à des échelles atomiques. Un panorama couleurs sur 360° et à haute résolution est en cours d’assemblage : il sera composé de près de 1500 images…
Au sol 69, le Microscope à Force Atomique (AFM) a réussi à acquérir l'image d'une particule de poussière après plusieurs tentatives infructueuses.
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Image : NASA/Pat Rawling.