Une étude* qui vient d’être publiée dans la revue Nature par Sylvain Bouley (GEOPS, CNRS, IMCCE) et un groupe de chercheurs renommés**principalement français, vient donner un éclairage très séduisant sur l’évolution planétologique de Mars.
Selon cette thèse, étayée par des observations précises des traces du réseau fluvial autour de la planète, il apparait que la bande que forme ce réseau, dessine comme une ceinture un peu décalée par rapport à l’équateur et alignée par rapport à la dichotomie crustale. Or ce réseau a dû se former dans la région la plus chaude d’une planète qui a dû toujours être assez froide. L’intuition qui a déclenché une étude approfondie, est que, après que ces écoulements aient marqué le sol martien, au milieu de l’Hespérien, il y a quelques 3.3 milliards d’années, la lithosphère (croute + manteau supérieur) de la planète a basculé en quelques dizaines de millions d’années sur le manteau sous-jacent, en raison du poids du socle de Tharsis qui l’avait déséquilibré. L’équilibre a été retrouvé quand la masse de Tharsis s’est centrée sur l’équateur (ce que l’on peut constater aujourd’hui). Précédemment l’équilibre rotationnel était fixé par la dichotomie crustale, les masses étant reparties sensiblement également par rapport à l’axe de rotation (le pôle Nord se trouvait dans Vastitas Borealis, au Nord d’Olympus Mons et juste un peu au Nord-Ouest du socle de Tharsis).
Les différentes étapes du basculement de la croute martienne (doc. S. Bouley)
En fait, indépendamment des changements d’inclinaison de l’axe de rotation par rapport au plan de l’orbite martienne, il y aurait eu, du fait de la constitution de Tharsis, réajustement de l’enveloppe de Mars par rapport à cet axe (environ une vingtaine de degré de latitude). Le système fluviatile martien qui s’était développé dès le début du Noachien aussi bien que la dichotomie crustale, ne sont donc plus aujourd’hui ajustés avec l’équateur martien. A noter qu’il n’était pas possible que le mouvement se produise avant puisqu’il a fallu un certain temps pour que la croute martienne se refroidisse et épaississe et que les matières chaudes et fluides du manteau trouvent un chemin vers la surface et l’empruntent pendant très longtemps, jusqu’à concentrer une masse suffisante pour non seulement créer un déséquilibre mais que ce déséquilibre entraine le glissement de l’ensemble de la lithosphère. Cela implique aussi qu’à l’époque où s’est concentrée la masse suffisante pour créer le déséquilibre, il n’y avait pas (ou plus) de tectonique des plaques sur Mars. Cette absence de tectonique des plaques est une différence avec la Terre qui parait importante mais on ne sait toujours pas pourquoi elle existe. Peut-être Mars aurait-elle reçu moins d’eau que la Terre et sa lithosphère aurait-elle été ainsi plus rigide ?
Les auteurs mentionnent une conséquence, la présence de banquises enterrées près des pôles supposés d’origine de la planète (Scandia Colles au Nord et Malea Planumdans l’hémisphère Sud de la planète, au Sud du bassin d’Hellas). J’ajouterais que le mouvement de la croute par rapport au manteau doit aussi se manifester par l’alignement des cratères géant de Tharsis et l’apparition tardive d’Olympus Mons ainsi que par le cisaillement de Valles Marineris. Reste à expliquer la présence d’un seul point chaud alimentant successivement ces grands volcans. On peut retrouver là l’hypothèse d’un impact de planétoïde qui aurait créé la dichotomie crustale (Cf Gregor Golabek & Cedric Gillmann)
*« Late Tharsis formation and implications for early Mars », NATURE, Letter, 00 Month 2016/vol 000 doi:10.10.038/nature17171
**Sylvain Bouley, David Barratoux, Isamu Matsuyama, François Forget, Antoine Séjourné, Martin Turbet et François Costard.
Voir également le communiqué de presse du CNRS.
Lors du « European Planetary Congress » à Nantes du 27 septembre au 2 octobre 2015, Sylvain Bouley avait pu tester le scaphandre de simulation de l’association Planète Mars. (Doc. A. Souchier)
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