50 ans après le vol de Gagarine et 38 ans après Apollo 17, le secteur privé américain prépare peut-être une renaissance de l’aventure spatiale.
Elon Musk, fondateur en 2002 de la société SpaceX (après avoir vendu fort cher la société financière Paypal qu’il avait fait prospérer), a annoncé le 5 avril qu’il entreprenait la construction de son lanceur lourd, « Falcon Heavy », qui doit permettre de mettre 53 tonnes sur orbite basse terrestre (« LEO »). Il doit être lancé en 2013. Après la réussite du lancement du lanceur de SpaceX « Falcon 9 », en février 2010, puis de la mise sur orbite et de la récupération d’une capsule (« Dragon ») capable de transporter une charge utile de 6 tonnes (ou un équipage de 7 personnes) par ce même lanceur le 8 décembre 2010, cette information doit être prise très au sérieux.
La capacité de Falcon Heavy sera bien supérieure à celle de tous les autres lanceurs actuellement en service ou ayant existé, à l’exception de la fusée Saturn V du programme lunaire Apollo de la NASA. Elle est en particulier supérieure à celle du dernier lanceur lourd « public » américain, Delta IV, conçu et construit par Boeing pour le Ministère de la Défense américain (le « Pentagone ») qui ne peut placer en orbite que 23 tonnes (tout comme Ariane V dans sa version actuelle).
Le premier étage de Falcon Heavy sera constitué de trois corps identiques à celui qui constitue le premier étage du Falcon 9. Les 9 moteurs de chaque corps seront les moteurs « Merlin » (au kérosène et à l’oxygène liquide), améliorés, qui ont été développés par SpaceX pour le Falcon 9. SpaceX avait déjà prévu la structure du premier étage de Falcon 9 pour qu’elle puisse porter les charges supplémentaires de cette configuration (masse des ergols, des réservoirs, des moteurs, etc…). La mise au point du nouveau lanceur devrait en être facilitée et son coût devrait en bénéficier.
Une particularité importante du Falcon Heavy consiste en ce que les boosters latéraux brûlent leur carburant avant le corps central ce qui doit lui donner des performances comparables à une fusée à trois étages. Un autre avantage est l’excellent rapport de masse (plein / vide) des boosters latéraux puisqu’il sera de 30 (contre 10 pour le Delta IV). En fin de compte pour 1/3 du cout du Delta IV, le Falcon Heavy doit pouvoir mettre sur orbite le double de masse.
Le prix d’un lancement devrait se situer dans une fourchette de 80 à 125 millions de dollars contre 435 millions prévus par le Pentagone avec utilisation des lanceurs traditionnels. C’est une perspective qui devrait lui sembler très intéressante en cette période de fortes restrictions budgétaires (sans compter que Falcon 9 pourrait effectuer les lancements des masses plus faibles pour 50 à 60 millions de dollars).
Sur cette information, le président de la Mars Society, le Dr Robert Zubrin a déclaré :
« Le fait que SpaceX soit en voie de rendre opérationnel un tel véhicule dans les deux prochaines années inflige un démenti cinglant à tous ceux qui prétendent qu’un programme de véhicules lourds nécessiterait des décennies et un coût de dizaines de milliards de dollars. »
« M. Musk a également annoncé son intention de faire suivre ce véhicule d’un lanceur capable de mettre une charge de 150 tonnes en LEO dans les prochaines années. Un tel lanceur serait suffisant pour envoyer des hommes sur la planète rouge en utilisant un plan comme Mars Direct » (le plan élaboré par Robert Zubrin et que le précédent administrateur de la NASA, Michael Griffin, envisageait de mettre en œuvre après le programme Constellation). « Nous pourrions ainsi avoir des hommes sur Mars dans la présente décennie. Il suffit simplement de décider d’en relever le défi ».
Après le succès de Falcon 9, Elon Musk nous fait rêver que la force d’initiative du secteur privé américain brise la routine qui semble condamner l’homme à des allers et retours entre la Terre et la Station Spatiale Internationale, et lui permette enfin de continuer une véritable exploration spatiale, la prochaine étape ne pouvant être que Mars.
Il faudra naturellement que (dans le cadre d’une coopération internationale) l’Etat américain intervienne pour financer cette entreprise qui, contrairement au lancement de satellites terrestres commerciaux, ne pourra pas être immédiatement et directement rentable. Mais il pourrait le faire à des conditions proches de celles évoquées par la Mars Society : quelques dizaines de milliards de dollars, et non pas plusieurs centaines comme le prétendent toujours les successeurs de Wernher Von Braun à la NASA.
Pierre Brisson