L’avion martien
Le vol d’un plus lourd que l’air est possible sur Mars, plus difficilement que le vol d’un ballon. La portance d’un avion est, en première approximation, proportionnelle à son incidence, à la surface de l’aile, à la densité atmosphérique et au carré de la vitesse. Prenons un avion terrestre léger ou un drone (avion sans pilote à bord) et imaginons qu’on essaye de le faire voler sur Mars. Désignons par une constante k ce qui ne va pas changer entre un vol terrestre et un vol martien (incidence, géométrie de l’avion), la portance sur Terre est égale à k .roat .Vt² où roat est la masse volumique de l’air et Vt la vitesse de l’avion sur Terre. Sur Mars on n’a besoin que d’une portance 0,38 fois plus faible en raison de la pesanteur plus faible. Avec roam pour la masse volumique de l’atmosphère martienne et Vm la vitesse de vol sur Mars s’écrit:
0,38.k.roat.Vt²=k.roam.Vm²
d’où l’on déduit la vitesse de l’avion martien :
Vm = Vt .racine (0,38.roat/roam)
Et avec les valeurs de masses volumiques de l’atmosphère martienne et terrestre données au début de l’article :
Vm=5,5 .Vt
La vitesse de l’avion martien doit être 5,5 fois plus grande que celle de son homologue terrestre.
Ainsi un avion léger ou un drone qui vole sur Terre à 100 km/h devra atteindre 550 km/h pour voler sur Mars. Nous ne développerons pas ici les motorisations possible. Disons qu’un moteur thermique peut fonctionner si on lui ajoute une alimentation en oxygène (ou plus généralement d’un oxydant) et qu’un moteur électrique peut également faire l’affaire.
En ce qui concerne la puissance du moteur comme la traînée est proportionnelle à la portance, et celle-ci étant 0,38 fois la portance dont on a besoin sur Terre pour voler, la traînée sera aussi 0,38 fois la traînée terrestre. La puissance nécessaire sera plus petite dans la même proportion.
Cette diminution des besoins en puissance sur des mondes à gravité plus faible est connue. Certains auteurs ont déjà affiché que le vol musculaire humain pourrait être un nouveau sport sur la Lune, si l’on peut y disposer de constructions (ou cavernes aménagées) dans les quelles on disposerait d’une atmosphère à 1 bar comme sur Terre.
Avec ce besoin d’une vitesse 5,5 fois supérieure à ce qui est nécessaire sur Terre, même si le vols stabilisé est possible, ce sont les phases de décollage et atterrissage qui vont poser le plus de problèmes. On peut encore imaginer un départ catapulté mais l’atterrissage va exiger une piste longue et plate. Un engin hyper léger (ou plus exactement à très faible charge alaire), capable de voler sur Terre à 50 km/h, se posera sur Mars à 275 km/h, c’est à dire à la même vitesse qu’un avion de ligne chez nous !
Aujourd’hui sur Terre des drones expérimentaux volent de plus en plus haut. En Août 2001, l’avion électrique construit par AéroVironment pour le compte de la NASA a atteint 29413 m d’altitude. Mais le SR71, le célèbre avion américain de la classe Mach 3 avait déjà atteint une altitude de 3500 m inférieure. A cette altitude l’atmosphère terrestre est à peine plus dense que l’atmosphère martienne : environ 0,018 kg/m³ pour 0,0154. Et il y a des régions basses de Mars comme Hellas qui peuvent présenter des pressions de 12 mb et donc des densités de l’ordre de 0,025 kg/m³ correspondant à 28 km d’altitude sur Terre. L’avion Hélios développait à l’altitude de son record une portance égale à son poids. On a vu que sur Mars il suffisait d’une portance plus faible d’un coefficient de 0,38 à cause de la pesanteur plus faible. En volant à la même vitesse que lors de son record, Hélios aurait pu assurer cette sustentation dans de l’air martien de masse volumique 0,0068 kg/m³, bien plus faible qu’au ras du sol sur Mars et correspondant à une altitude d’environ 8000 mètres. Mais le survol du point le plus haut de Mars, Olympus Mons à 24000 m et une masse volumique de l’atmosphère martienne à 0,0007 kg/m³ (pression 0,3 mb) resterait impossible. Avec sa propulsion par moteurs électriques, Helios doit pouvoir voler sur Mars pratiquement sans modifications. D’ailleurs si l’on regarde sa source de puissance, le soleil et des panneaux solaires sur l’aile, on peut voir que le système aurait fonctionné sur Mars : la puissance fournie aurait été deux fois plus faible en raison de l’éloignement du soleil, mais on a vu que pour voler sur Mars la puissance n’est que de 0,38 fois ce qu’elle est sur Terre.
Depuis plusieurs années le Langley Research Center de la NASA propose une mission martienne « ARES » pour Aerial Regional-scale Environmental Survey of Mars. Le Langley a même procédé à des essais consistant à emporter jusqu’à 31,5 km d’altitude une maquette à l’échelle un demi de l’avion martien, de le déployer et le lâcher pour un long vol plané de 90 minutes. L’objectif opérationnel est de parcourir 610 km sur Mars à l’altitude de 1500m. La mission n’est pas encore décidée. A suivre…
Article issu du bulletin APM n° 43 paru en Avril 2010.