Pour que le processus de vie puisse se manifester, il semble nécessaire que certaines conditions soient remplies : présence d’éléments chimiques particuliers, niveau de pression minimum, présence de chaleur, présence d’eau liquide, source d’énergie, durée minimum. Nous n’avons aujourd’hui qu’une référence, la vie terrestre, mais la planète Mars, qui est constituée des mêmes éléments que notre Terre, qui en est relativement proche et qui a connu une histoire géologique très semblable à la nôtre pendant le premier milliard d’années de son existence, est l’endroit de l’univers le plus accessible où nous pouvons aujourd’hui chercher si ce processus a commencé aussi ailleurs. C’est là que, sur le plan scientifique, réside l’attrait principal de l’exploration de Mars. Que peut-on dire aujourd’hui des possibilités de satisfaction de ces conditions ? Savoir ensuite si elles ont été suffisantes relèvera de la recherche sur le terrain.
Les éléments chimiques
Les éléments chimiques nécessaires à la vie de type terrestre sont, pour 96 % : C, H, O, N et, pour 4 % : P, S, Cl, K, Na, Ca, Mg, puis pour de plus faibles quantités (traces) : Fe, B, I, Mn… Tous ces éléments ont été identifiés sur Mars. Evidemment leur combinaison en organismes vivants résulte d’un processus dont toutes les étapes ne sont pas encore complètement connues ou même comprises.
Nous recherchons la vie organique c’est-à-dire celle dont les molécules sont organisées autour de l’atome de carbone (par suite d’un processus biologique ou simplement géologique). En effet cet atome, du fait de ses quatre liaisons covalentes possibles, est très bien adapté à la construction de molécules tridimensionnelles complexes. Sur Mars la présence de carbone est certaine. L’atmosphère en est particulièrement riche puisque composée à 95,9 % de dioxyde de carbone. Au sol on a identifié quelques carbonates mais curieusement pas encore de molécules organiques. Pour le moment on pense que leur présence est cachée par les perchlorates, omniprésents sur le sol, qui les détruisent lorsqu’on chauffe des échantillons pour analyse.
La pression
La masse de Mars étant seulement 1/10ème de celle de la Terre, génère une force de gravité beaucoup moins forte et la pression qui en résulte à l’intérieur de cette masse progresse beaucoup moins vite de la surface vers le centre planétaire. En surface la pression atmosphérique moyenne n’est que de 611 pascal (0,006 bar) avec des extrêmes sensiblement différentes : de 0,011 bar au fond du bassin d’Hellas (altitude -8.500 m), à 0,0003 bar au sommet d’Olympus Mons (altitude +21.000 m). Sur Terre, 0,3 bar est le seuil en deçà duquel la vie « active » n’est pas observable dans l’environnement terrestre. Sur Mars cette valeur n’est atteinte qu’à l’intérieur des roches ou dans le sous-sol.
Il faut aussi de l’espace libre pour envisager la présence d’eau. Compte tenu de la force de gravité, ces espaces sont plus importants sur Mars que sur Terre. Il s’agit d’abord de cavernes, poches ou cavités sans communication avec l’extérieur. Sur Terre on peut trouver des cavernes jusqu’à 2 km de la surface ; sur Mars, on pourrait descendre jusqu’à 5 km (en fonction bien sûr de la composition du sol). Il s’agit ensuite des interstices et failles ainsi que des pores de certaines roches qui, sur Mars, pourraient atteindre la profondeur de 85 km. A cette profondeur, l’eau pourrait être encore liquide (limite théorique 310 km).
La température
La température impose également ses bornes. On considère que -20°C est la limite inférieure pour que l’eau permette une vie active. Cette limite basse ne peut se constater qu’en surface de Mars et dans le sous-sol immédiat puisque la température va monter plus on s’enfoncera à l’intérieur de la planète.
Synthétisant les différents facteurs de création et de conservation de chaleur (énergie cinétique des premiers âges, radioactivité naturelle, absence de tectonique des plaques, masse et taille de Mars plus faible que celle de la Terre), on a estimé pour Mars un « gradient géothermique » qui dans la croûte devrait théoriquement avoir une valeur de 5 K (degrés Kelvin) par km, contre 25 K par km pour la Terre. D’après ce gradient, la température de -20°C ne serait atteinte sur Mars qu’à une profondeur de 7 km mais il s’agit là d’une moyenne et il est bien évident que la température est nettement plus élevée à la surface du sol au niveau de l’équateur et dans les zones tropicales (températures légèrement positives pendant la période diurne de nombreux jours de l’année) que dans les régions polaires ou de hautes latitudes. Plus on s’enfonce dans la croûte, plus les températures deviennent sans doute homogènes à l’exception de certains points chauds où le magma du manteau se trouve plus proche.
On atteint les 122°C, température au-delà de laquelle des manifestations de vie terrestre ne sont plus observées, à environ 36 km en moyenne (avec possibilités de variation de -6 km à -50 km). Ces 36 km constituent donc la limite basse de toute éventuelle biosphère martienne.
L’eau
L’eau a été présente en surface de Mars au début de son histoire, peut-être dans des proportions comparables à celles de la Terre. Compte tenu de la distance de Mars au Soleil, de la densité de l’atmosphère primitive et de la chaleur interne de la planète, cette eau était liquide. Pendant les premières centaines de millions d’années du Noachien, elle a hydratée les roches de la croûte planétaire. Mais, en raison (1) d’une gravité trop faible due à sa masse relativement petite et (2) de la disparition de sa magnétosphère due à l’arrêt précoce de sa dynamo interne résultant également de sa trop faible masse, l’atmosphère primitive de Mars s’est très vite majoritairement dissipée ; la vapeur d’eau de l’atmosphère s’est en partie échappée dans l’espace avec elle, une autre partie se solidifiant sous forme de glace en surface et le reste se retrouvant séquestrée dans le sous-sol.
La cryosphère moderne contient une couche planétaire équivalente d’eau (« EGL ») estimée à 35 mètres d’épaisseur. On la trouve bien sûr dans les deux calottes polaires mais aussi dans le sous-sol immédiat proche des calottes polaires puis dans quelques régions de latitudes moyennes, sous forme de banquises couvertes de régolite vestiges de perturbations planétaires passées. On la trouve enfin un peu partout ailleurs dans le sous-sol immédiat même aux latitudes moyennes dans l’équivalent du pergélisol terrestre.
La plus grande quantité de l’eau martienne doit se trouver en sous-sol. L’eau s’y est d’autant plus facilement infiltrée que la gravité martienne est faible et donc la porosité naturelle plus grande.
Une zone saturée à > 6 km devrait représenter un EGL de 100 mètres d’épaisseur et une zone saturée de 3 à 6 km, un EGL de 300 mètres. Evidemment plus l’eau est descendue profondément, plus elle a dû se charger en solides dissous et plus elle sera riche en nutriments.
Il faut aussi que l’eau soit « active » c’est-à-dire qu’elle permette aux organismes d’échanger des substances. Cette activité diminue avec le froid ou par séchage ou encore du fait de la présence élevée de solutés. On voit donc que sur Mars, elle sera faible dans le sous-sol immédiat du fait de l’aridité et de la température très basse mais qu’elle sera élevée en profondeur « moyenne ».