News 2013-298 de la NASA par Guy Webster (JPL). Traduction Pierre Brisson
L’examen de l’atmosphère martienne par le rover Curiosity de la NASA confirme que certaines météorites tombées sur Terre proviennent bien de la planète rouge. Une nouvelle mesure clé de l’argon, gaz inerte présent dans l’atmosphère de Mars, effectuée par le laboratoire de Curiosity, donne la preuve la plus définitive de l’origine martienne des météorites martiennes, tout en fournissant un moyen d’écarter l’origine martienne des autres météorites. La nouvelle mesure est un comptage à haute précision de deux formes d’argon (l’argon 36 et l’argon 38) réalisée par SAM (pour « Sample Analysis at Mars ») qui est le laboratoire embarqué dans le rover Curiosity. Ces formes plus légères et plus lourdes (« isotopes ») de l’argon existent naturellement dans le système solaire. Sur Mars, le ratio « normal » argon léger / argon lourd est faussé parce qu’une grande partie de l’atmosphère originale de cette planète a été perdue dans l’espace. La forme la plus légère de l’argon a été davantage perdue car elle monte au sommet de l’atmosphère plus facilement et demande moins d’énergie pour s’échapper. Cela a laissé l’atmosphère martienne relativement enrichie en isotope lourd, l’argon 38. Les années d’analyses effectuées par les scientifiques terrestres sur les bulles de gaz piégées à l’intérieur de météorites martiennes avaient déjà réduit le ratio de l’argon martien à une fourchette de 3,6 à 4,5 (c’est-à-dire 3,6 à 4,5 atomes d’argon 36 pour chaque atome d’argon 38). Les mesures des sondes Viking effectuées dans les années 1970 avaient placé le rapport atmosphérique martien dans la fourchette de quatre à sept. La nouvelle mesure directe de SAM effectuée sur Mars fixe maintenant le ratio correct à 4,2. « Nous l’avons vraiment épinglé », déclare Sushil Atreya de l’Université du Michigan, auteur principal d’une étude datée du 16 octobre faisant état de cette découverte dans la revue Geophysical Research Letters . «Cette lecture directe, sur Mars, règle le cas de toutes les météorites martiennes ». Une raison pour laquelle les scientifiques étaient si intéressés par le ratio des isotopes de l’argon dans les météorites martiennes, c’est qu’il était (avant Curiosity) le meilleur indicateur pour mesurer combien Mars avait perdu d’atmosphère depuis l’époque humide et chaude de la planète, il y a des milliards d’années. Comprendre les pertes atmosphériques de la planète doit permettre aux scientifiques de mieux comprendre comment Mars s’est transformée d’une planète jadis riche en eau, comme la nôtre, en un monde aujourd’hui plus sec, plus froid et moins hospitalier. Si Mars avait retenu toute son atmosphère et son argon d’origine, son ratio d’argon 36/38 serait le même que celui du Soleil et de Jupiter. Ces corps génèrent une telle force de gravité que les isotopes ne peuvent pas s’échapper préférentiellement, de sorte que leur ratio argon 36/38 (qui est de 5,5) représente celui du système solaire primordial. Alors que l’argon ne représente qu’une infime partie du gaz martien perdu dans l’espace, il présente la particularité d’être un gaz « noble ». Cela signifie qu’il est inerte, ne réagissant pas avec d’autres éléments, et qu’il est donc un traceur plus simple de l’histoire de l’atmosphère martienne. Comme le dit Atreya : « d’autres isotopes mesurés par SAM permette de constater également la perte d’atmosphère, mais aucun aussi directement que ceux de l’argon. C’est la signature la plus claire des pertes atmosphériques parce que ce gaz est chimiquement inerte et n’interagit ni avec la surface, ni avec l’intérieur de Mars. C’était une des mesures essentielles que nous voulions réaliser avec SAM ». Les mesures effectuées par Curiosity n’évaluent pas directement le taux actuel d’échappement atmosphérique, mais la prochaine mission de la NASA dans l’environnement martien, MAVEN (pour « Mars Atmosphere and Volatile Evolution Mission ») est précisément conçue pour le faire. Cette mission est en préparation au Centre spatial Kennedy de la NASA. Elle doit partir dans une fenêtre qui s’ouvre le 18 Novembre.
L’article, en anglais, est disponible sur http://mars.jpl.nasa.gov/msl/news/whatsnew/index.cfm?FuseAction=ShowNews&NewsID=1525
Commentaire : L’astrophysique procède souvent par approximations ou indirectement comme dans ce cas (utilisation des isotopes de l’argon pour estimer l’atmosphère d’origine). Il s’agit d’utiliser au mieux les indices dont on dispose. L’argon est depuis longtemps « l’instrument » utilisé pour comprendre l’évolution de l’atmosphère de Mars (cf. l’étude effectuée en 2011 par Cedric Gillmann, Philippe Lognonné et Manuel Moreira « Volatiles in the atmosphere of Mars : the effects of volcanism and escape constrained by isotopic data » p.299-309, Earth and Planetary Science Letters n°303). La différence avec les études passées c’est que celle-ci utilise des observations de Curiosity et passe de l’argon 40 à l’argon 38 comme base de référence. Les trois (36 ; 38 et 40) sont stables, leur seule différence étant leur masse (d’où leur intérêt dans cette étude) et leur abondance (l’argon 40 qui provient de la décomposition du potassium 40 interne est le plus abondant dans nos deux planètes).
Une météorite martienne à toucher…à l’aéroport d’Orlando
Les trois principales catégories de météorites martiennes ici présentées au muséum d’histoire naturelle à Paris
Tout le monde peut s’acheter un fragment de météorite martienne (comme ici chez Alain Carion dans l’île Saint Louis à Paris)
Zoom sur le fragment de météorite à droite de l’image précédente
(docs. A. Souchier)