Note de presse de la NASA du 30 mai 2017
Guy Webster (JPL), Laura Mullane (LANL), Laurie Cantillo / Dwayne Brown (NASA HQ)
Traduction Pierre Brisson
De pâles »halos » observés le long de fractures dans le socle rocheux du cratère Gale et analysés par le rover Curiosity, présentent un contenu en silice élevé ce qui exprime la présence d’eau liquide sur une longue période.
Selon les termes de Jens Frydenvang, auteur principal d’un rapport sur ces résultats publiés dans Geophysical Research Letters le 30/05/2017(version finale): « La concentration de silice est très élevée au centre de ces halos. Ce que nous voyons, c’est que la silice semble avoir migré depuis un très vieux socle sédimentaire jusqu’à une couverture de roches plus jeunes ».
Jens Frydenvang, de l’Université de Copenhague, est l’un des scientifiques de l’équipe du rover au LANL (Los Alamos National Laboratory). La NASA a fait atterrir Curiosity sur Mars en 2012 dans le but de déterminer si Mars a jamais offert des conditions environnementales favorables à la vie microbienne.
Jens Frydenvang a déclaré que « la mission avait été couronnée de succès dans la mesure où elle a montré que le cratère Gale contenait autrefois un lac avec de l’eau que nous aurions pu boire, mais nous ne savons toujours pas combien de temps cet environnement habitable a duré. Ce que cette découverte nous dit, c’est que, même lorsque le lac s’est finalement évaporé, des quantités importantes d’eaux sont restées présentes en sous-sol pendant plus longtemps que ce que l’on pensait, ce qui élargit la fenêtre pendant laquelle la vie aurait pu exister sur Mars ».
Illustration d’un épisode lacustre dans le cratère Gale avec de l’eau ayant pour origine la vallée Peace qui débouche sur le plancher du cratère à une trentaine de km au Nord Ouest du point d’atterrissage de Curiosity. Mais Peace n’est pas la seule vallée descendant des remparts du cratère. (Doc. NASA/JPL-Caltech/MSSS)
Les halos ont été analysés une première fois en 2015 avec les instruments scientifiques embarqués de Curiosity, y compris l’instrument ChemCam (analyse chimique par laser), qui a été développé au LANL en collaboration avec le CNES. Le rover a ensuite exploré des couches d’altitude plus élevées et plus jeunes du piedmont du Mont Sharp, et a pu ainsi étudier l’évolution des conditions environnementales anciennes sur une plus longue période.
Des halos clairs enrichis en silice autour d’une faille sur cette image datant du 23 août 2015 sur une zone entre Marias Pass et Bridger Basin (Doc. NASA/JPL-Caltech)
Pour plus d’informations sur le rapport nouvellement publié, vous pouvez lire:
(1) L’article de Los Alamos National Laboratory
(2) Le rapport de Jens Frydenvang et al. dans Geophysical Research Letters
Commentaire (Pierre Brisson)
Encore une indication sur la présence d’eau dans le sous-sol de Mars (il y en a eu d’autres comme ces lignes d’effondrement courant dans un relief de polygones de dessiccation).
Certes l’eau a disparu du sous-sol immédiat. Les taux d’humidité varient sauf exception entre 2 et 4% mais le rover a déjà traversé un site où le pourcentage atteignait 10% (de l’ordre de l’humidité du sol dans le désert d’Atacama) et on trouvera un jour des pourcentages plus élevés (notamment dans les grottes ?). A priori cette eau se présente en phase solide puisque la pression atmosphérique et la température ne permettent pas (ou très marginalement sous forme de saumure) la forme liquide. Mais l’on sait que périodiquement l’atmosphère s’épaissit. Ce peut-être en raison d’éruptions volcaniques (de plus en plus rares mais peut-être il y a seulement quelques « petits » millions d’années), ou encore à l’occasion de changement d’obliquité. On sait que l’axe de rotation de la planète s’incline jusqu’à 35° par rapport à la perpendiculaire au plan de l’orbite, sur une périodicité de 120.000 ans (par l’effet cumulé de la précession) et que, lorsque l’obliquité atteint les 30°, la glace fond aux pôles. C’est lors de ces périodes qu’ont sans doute été constitués les dépôts de glace très importants constatés récemment dans un relief de buttes situées dans l’Ouest d’Utopia Planitia (voir Bulletin 71 de l’association). Il serait intéressant de savoir si les « halos » de concentration de silicate remontent aux mêmes périodes.
Quoi qu’il en soit, attention ! Ce n’est pas parce qu’il y a eu de l’eau liquide au Ph neutre sur Mars qu’il y a eu de la vie. Une condition a été certes remplie pour qu’une vie existante se soit maintenue mais ce n’est pas suffisant. Il est fort douteux que l’on ait pu boire l’eau dans laquelle les premières molécules vivantes se sont formées sur Terre. Le Ph n’était certainement pas neutre mais probablement nettement acide et il a fallu remplir beaucoup de conditions que nous ne connaissons pas encore clairement pour que les premières molécules organiques complexes s’assemblent pour former les premières molécules vivantes. Attendons donc de trouver les premiers fossiles ou les traces de premiers éléments prébiotiques évolués. Espérons que la suite d’instruments Pasteur embarquée sur la mission ExoMars 2020 nous fasse avancer dans ce domaine passionnant.