Le spectromètre imageur CRISM de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter a permis de confirmer et d’affiner les résultats spectaculaires obtenus par J.P. Bibring et son équipe à l’aide de leur propre appareil, OMEGA, embarqué sur Mars Express. Un communiqué de la NASA rend compte des conclusions tirées de ces observations déterminantes.
Info NASA du 16 juillet 2008.
Contacts :
guy.webster@jpl.nasa.gov Jet Propulsion Laboratory (Pasadena)
jennifer.huergo@jhuapl.edu John Hopkins University, Applied Physics Lab (Laurel)
dwayne.c.brown@nasa.gov NASA Headquarters (Washington)
(Traduction et commentaires de Pierre Brisson)
Deux études fondées sur des données fournies par le satellite de la NASA, Mars Reconnaissance Orbiter (« MRO »), ont révélé qu’il y avait bien eu autrefois sur la Planète rouge des grands lacs, des fleuves et d’autres environnements humides qui potentiellement ont pu abriter la Vie.
Une de ces études, publiée le 17 juillet dans « Nature », montre que de vastes régions des hautes terres martiennes, qui couvrent à peu près la moitié de la planète, contiennent des argiles, minéraux qui ne peuvent se former qu’en présence d’eau. Des laves ont recouvert ces régions riches en argile durant les périodes géologiques sèches subséquentes mais des cratères d’impact les ont ré-exposées dans des milliers d’endroits sur Mars. Les données qui ont servi à l’étude proviennent d’images prises par le « CRISM » (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer for Mars) et d’autres instruments du satellite martien.
Selon Scott Murchie, qui dirige l’équipe de recherche au Laboratoire de physique appliquée de l’Université John Hopkins (Maryland), la grande surprise de ces nouveaux résultats est que l’eau a couvert d’énormes territoires, qu’elle est restée longtemps en surface et que les environnements humides ont été très variés.
Les minéraux de type argileux, appelés phyllosilicates, conservent la trace de l’interaction avec l’eau de roches datant de ce qu’on appelle l’époque « Noachienne » de l’histoire de Mars, qui couvre la période allant de – 4,6 à – 3,8 milliards d’années. Cette période correspond aux premières années du système solaire, quand la Terre, la Lune et Mars étaient sous le feu constant d’un bombardement cosmique de comètes et d’astéroïdes. Sur Terre, les roches de cet âge ont été très largement détruites par la tectonique des plaques. Elles sont préservées sur la Lune mais elles n’y ont jamais été exposées à de l’eau liquide. Les roches martiennes riches en phyllosilicates conservent un témoignage unique d’environnements d’eau liquide qui ont pu convenir à la Vie dans le système solaire primitif.
John Mustard, de Brown University, membre de l’équipe CRISM et auteur principal de l’étude parue dans Nature, souligne que « les minéraux présents dans la très vieille croûte martienne montrent tout un éventail d’environnements humides. Dans la plupart des sites les roches sont légèrement altérées par l’eau liquide mais à quelques endroits, elles ont été tellement altérées que cela ne peut résulter que du passage de volumes d’eau très importants. C’est très intéressant car nous identifions des douzaines de sites où les missions futures pourront atterrir pour tenter de comprendre si Mars a jamais été habitable et, si cela est le cas, pour rechercher des signes d’une vie passée ».
Une autre étude publiée dans le numéro du 2 Juin de « « Nature Geosciences », montre que la période humide de Mars a duré longtemps. Dans le site étudié, des milliers ou des millions d’années après que l’argile se soit formée, un système fluvial les a érodés hors des hautes terres et les a concentrées dans un delta, là où la rivière débouchait dans un lac de cratère (appelé Jezero) de la taille du Lac Tahoe (près de 40 km de diamètre).
© NASA/JPL/JHUAPL/MSSS/Brown University
Image en couleurs rehaussées du delta du cratère Jeziro qui, autrefois, contenait un lac. Les chercheurs dirigés par Bethany Elhmann, membre du CRISM et étudiant doctorant de Brown University, expliquent que d’anciennes rivières ont charrié des minéraux de type argileux (en vert) dans le lac, formant ainsi le delta. Les argiles ont tendance à englober et à préserver les matières organiques, ce qui signale le delta comme un bon endroit pour rechercher des traces de vie ancienne.
« La distribution des argiles à l’intérieur du lit de l’ancien lac montre que l’eau a dû y rester pendant des milliers d’années » dit Bethany Ehlmann, autre membre de l’équipe du CRISM de Brown University. Ehlmann a dirigé l’étude du lac qui a existé dans le bassin d’impact Jezero dans l’hémisphère Nord de Mars. « Les argiles sont particulièrement aptes à enclore et à préserver la matière organique de telle sorte que, si la Vie a jamais existé dans cette région, il y a une chance que sa signature chimique ait été préservée dans le delta ».
Les hautes résolutions spatiales et spectrales du CRISM sont meilleures que celles des précédents spectromètres envoyés sur Mars et elles révèlent des variantes dans les types et la composition des phyllosilicates. En combinant des données du CRISM, du Context Imager et du High Resolution Science Experiment, autres équipements également embarqués sur le MRO, l’équipe a identifié trois classes principales de minéraux ayant un rapport avec la présence d’eau et remontant à la période Noachienne. Il s’agit de phyllosilicates d’aluminium, de silice hydratée (ou opales) et de phyllosilicates de fer et magnésium (plus communs et répandus). La variété des minéraux suggère qu’ils résultent de différents processus ou différents types d’environnements aqueux.
« A partir de nos découvertes, les différents membres de notre équipe établissent une liste de sites où les missions futures pourront atterrir pour rechercher les signes d’une chimie organique et peut-être découvrir si la Vie a jamais existé sur Mars » dit Murchie.
N.B. : Le Jet Propulsion Laboratory de la NASA, à Pasadena (Californie), gère la mission Mars Reconnaissance Orbiter pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA (Washington D.C.). Le Laboratoire de Physique Appliquée utilise les instruments du CRISM en coordination avec une équipe internationale de chercheurs du monde universitaire, du gouvernement et du secteur privé.
Commentaires (Pierre Brisson):
On voit de plus en plus clairement émerger une nouvelle image de Mars. Les terrains martiens témoins d’une exposition prolongée à l’eau sont les plus anciens et il faut chercher les roches ayant subi l’influence de l’eau non dans les reliefs martiens qui semblent visuellement le plus correspondre à nos mers comme le prétendu grand océan boréal, mais dans l’hémisphère sud de la planète même si, plus cratérisé, il semble avoir été moins riche géologiquement. Au nord, l’océan boréal est en fait une région qui a surtout été marquée par le volcanisme, qui a recouvert tous les sols anciens, et par des déferlements d’eau cataclysmiques mais relativement brefs dans le temps. Contrairement à notre première impulsion (il est vrai non documentée par les satellites qui tournent maintenant autour de Mars), c’est donc vers l’hémisphère sud, zone de terrains beaucoup moins marqués par le volcanisme, qu’il faut tourner notre attention.