Publication d’un groupe de scientifiques australiens* dans la revue« Astrobiology », volume 11-numéro 10, du lundi 12 décembre 2011.
*Eriita G. Jones et Charles H. Lineweaver de l’Australian National University (« ANU ») ;
*Jonathan D. Clarke de la Mars Society Australia Inc.
Article de Discovery News sur un contenu AFP accessible en anglais sur le site de la Mars Society: http://www.marssociety.org/home/press/news/lifepossibleonlargeregionsofmars; traduction de Pierre Brisson.
L’article original de la revue « Astrobiologie », en anglais, est disponible sur: http://www.liebertonline.com/doi/pdfplus/10.1089/ast.2011.0660.
Les scientifiques australiens auteurs de cette publication ont modélisé les conditions prévalant sur Mars afin d’examiner l’habitabilité de la Planète Rouge. Ils concluent que de « vaste régions » pourraient y permettre la vie.
L’équipe de Charley Lineweaver de l’Australian National University, a comparé des modélisations de conditions de température et de pression sur Terre et sur Mars afin d’estimer quelles zones de la lointaine planète seraient habitables par des organismes semblables à ceux de la Terre.
Alors que seulement un pour cent du volume de la Terre (du noyau à la haute atmosphère) a été colonisé par la vie, Lineweaver déclare que sa modélisation (la première de ce type) montre que trois pour cent de la planète Mars serait habitable, même si cette habitabilité se trouve essentiellement en sous-sol.
« Ce que nous avons tout simplement essayé de faire, c’est de prendre presque toutes les informations dont nous disposions, les mettre ensemble et dire : « cette vue globale est-elle compatible avec une vie sur Mars? » déclare l’astrobiologiste à l’AFP ce lundi.« Et la réponse la plus simple est oui … Il y a de vastes régions de Mars qui sont compatibles avec une vie terrestre. »
Alors que les études précédentes avaient eu une approche parcellaire, examinant des sites particuliers sur Mars pour y trouver des signes de vie, Lineweaver dit que la sienne a été menée sur la base d’une «compilation exhaustive » de données provenant de toute la planète, en utilisant des décennies de collecte.
On a trouvé de l’eau gelée aux pôles de Mars et l’étude de l’ANU a examiné quelle partie de la planète pourrait abriter de l’eau « qui soit habitable, selon des critères terriens, par des microbes du type de ceux qu’on trouve sur Terre ».
Les pressions basses en surface de Mars, signifient que l’eau ne peut y exister sous forme liquide et qu’elle s’y vaporise mais Lineweaver fait remarquer que sous terre, là où le poids des couches supérieures donne la pression supplémentaire requise, les conditions sont réunies.Il ferait également assez chaud à une certaine profondeur, à cause de la chaleur du noyau de la planète, pour que les bactéries et autres micro-organismes prospèrent (la température moyenne à la surface de Mars, plus proche voisin de la Terre, est de moins 63 degrés Celsius).
Lineweaver dit que son étude est «la meilleure estimation publiée à ce jour, sur l’habitabilité de Mars par des microbes de type terrestre » et que cela constitue une découverte significative, si l’on considère que l’humanité a évolué à partir de la vie microbienne.
« Ce n’est pas important si vous voulez comprendre ce que sont les lois de la physique et si vous voulez parler à quelques « aliens » intelligents qui pourraient construire des vaisseaux spatiaux » dit-il. « Cependant, si vous êtes intéressé par l’origine de la vie et savoir comment la vie est susceptible de commencer sur d’autres planètes, c’est ce dont il s’agit ici ».
Le rover Curiosity de la NASA, l’explorateur robotique le plus grand et le plus sophistiqué jamais construit, est en route vers Mars et doit y atterrir en août 2012. Il est équipé d’un laser pour faire un premier examen rapide des roches et d’une « trousse à outils » pour les examiner plus précisément, en profondeur, ainsi que d’un bras robotique, d’un foret, de caméras et de capteurs qui lui permettront de faire des rapports sur la météo martienne et les radiations en surface.
Curiosity doit atterrir dans le cratère Gale, près de l’équateur martien. Le site a été choisi pour sa montagne de sédiments haute de cinq kilomètres, qui nous l’espérons révéleront des indices sur le passé humide de la planète.
Lineweaver dit que la mission de la NASA n’a « malheureusement » pas la capacité de creuser assez profond pour trouver la vie que son étude a modélisée mais que Curiosity serait en mesure d’examiner «au moins la limite» de ce qui était les couches profondes de Mars dans le cratère (avant l’impact). »Cependant ces zones ont été exposés pendant une longue période et sont donc sans doute dépourvues de substances volatiles. Elles ne sont pas non plus aussi chaudes qu’elles l’étaient » dit-il.
Commentaires :
L’étude des chercheurs australiens, parmi lesquels on peut noter la présence d’un membre de la Mars Society, ouvre un chapitre nouveau dans la recherche de la vie sur Mars. La démarche est logique mais ne pouvait être argumentée qu’après qu’on ait rassemblé suffisamment de données sur l’eau, la pression, la température et la nature des roches de la planète (et évidemment avec le temps, notre connaissances de ces variables, ira en s’affinant).
Il en ressort que sur Mars, la faible densité de l’atmosphère, la sécheresse et la température en surface sont telles que l’habitabilité est tout à fait improbable. Mais sur cette planète aussi bien que sur Terre, la température et la pression augmentent au fur et à mesure que l’on gagne en profondeur et comme sur Mars l’eau est un élément relativement abondant (même s’il l’est évidemment moins que sur Terre), elle peut constituer un support de vie suffisant, en supposant une porosité normale pour le type de roches prédominant (même si cette porosité reste à vérifier).
D’après les chercheurs les bornes de température permettant la vie sont -20°C et 122°C, pourvu que la pression atteigne un minimum (environ 0,3bar) que l’on trouve assez rapidement en s’enfonçant dans le sol. A noter que l’eau liquide est encore possible au-delà de -20°C dans certaines saumures mais que la vie y est, par rapport à l’expérience que l’on en a sur Terre, tout à fait improbable.
Le point le plus surprenant de l’étude est précisément que la chaleur interne de Mars étant plus faible que celle de la Terre, la zone habitable interne est probablement relativement plus épaisse (3,1% de la masse de la planète contre 1% pour la Terre) puisqu’on peut descendre plus profondément que sur Terre,à environ 36 km (contre environ 5 km), avant d’atteindre la borne de 122°C, tout en commençant près de la surface (sans doute -5 mètres à l’équateur) pour la borne basse.
A noter que toutes les valeurs citées sont des moyennes et que les zones basses, telles qu’Argyre, Hellas, ou certaine autres régions à l’équateur permettent sans doute d’approcher plus facilement l’eau liquide. Les seuils changent aussi en fonction des roches.
On connait les microbes terrestres qui prospèrent dans cette zone habitable. Il faut maintenant chercher et trouver leurs équivalents martiens. Curiosity n’a pas une capacité de forage qui permette de s’enfoncer jusqu’à cette zone ou l’eau pourrait être liquide et ExoMars ne pourra que s’en approcher mais les deux machines pourront peut-être trouver des fossiles.
Je suis certain que ces conditions sont effectivement réunies quelque part sous le menteau rocheux de Mars.
Mais question peut-être stupide, Y a t-il un risque pour que des missions d’investigation futures en creusant jusqu’à un oasis de vie, ne l’hypotèque en le mettant à jour.
J’imagine bien que si le poids de la croûte matienne fait office de compresseur atmosphèrique, atteindre une nappe biologique risque de dépressuriser celle-ci et de stopper l’existence martienne même localement?!
Craintes simplistes ou plausibles
@ Philbaetz : c’est une question tout a fait importante. Ce sujet est la « Protection Planétaire » : d’une part comment ne pas être contaminés, d’autre part comment ne pas polluer des formes de vie. L’exploration martienne est à l’avant-garde de ce sujet qui concerne également tous les sites qui pourraient potentiellement abriter de la vie (Titan, Europe et Encelade… mais certainement pas la Lune). D’où l’importance de s’entraîner dès maintenant à analyser des sites sans les polluer ni nous mettre en danger, il y a d’ailleurs une expérience en ce sens par nos collègues de la Mars Society autrichienne.
En effet, une intervention scientifique imprudente peut détruire un écosystème entier. Sur Terre, les chercheurs de terrain (qui étudient les peuplements végétaux, le sol, les océans, etc) connaissent bien ce problème et s’efforcent de le résoudre en mettant au point des techniques d’échantillonnage peu intrusives. C’est leur approche respectueuse qui devra être appliquée à l’exploration martienne.
Notons aussi que les êtres vivants ont la capacité de développer leurs propres mécanismes de réparation et de résistance aux agressions physico-chimiques. Il est permis de supposer que, s’il existe des formes de vie sur Mars, elles n’échappent pas à cette caractéristique (ne serait-ce que pour survivre aux contraintes naturelles de la planète), ce qui atténuerait d’autant l’impact des prélèvements scientifiques.
On spécule beaucoup sur la vie extraterrestre et mars est le premier endroit à pouvoir nous donner des réponses.Gageons que nous serons aussi surpris que dans la découverte d’exoplanètes où une diversité extraordinaire a été trouvée. Mais chercher la vie avec des robots, sauf coup de chance,peut demander des années.Seul l’homme peut rapidement apporter des réponses mais avec d’extraordinaires précautions pour éviter les contaminations…