Les rovers Opportunity et Curiosity ont depuis quelques temps remarqué sur le sol de Mars de curieux petits cailloux blancs ou même du matériau blanc incrusté dans des fissures de la roche, certaines fois rectilignes (si la fissure est suffisamment importante et longue) ou sinueuses. Ce matériau blanc est une roche bien connue sur Terre, le gypse, ou plutôt une de ses formes peu hydratée (on dit « mi-hydratée »), la « bassanite » qu’on obtient en chauffant du gypse pour lui faire perdre une partie de son eau. Cette observation est intéressante à plus d’un titre.
Gypse martien et terrestre. A gauche le rocher Sheepbed sur une combinaison de deux images ChemCam prises le 14 décembre. A droite une vue prise dans le désert égyptien. Les veines martiennes mesurent de 1 à 5 mm de large. (Doc. NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS/LGLyon/Planet-Terre/Pierre Thomas)
Le Gypse, CaSO42H2O, est une roche évaporitique (« évaporite ») très commune sur la Terre. Les évaporites se forment à partir de saumures, soit au fond de lagune qui s’assèchent soit par percolation dans les anfractuosités des roches (on est visiblement dans ce cas). Les évaporites seront différentes en fonction des minerais desquels elles se chargent. Pour obtenir du gypse, il faut du calcium et du soufre. Le calcium est un métal abondant dans les roches ignées du manteau des planètes rocheuses et le soufre est également souvent présent dans l’atmosphère, sous forme d’hydrogène sulfuré (H2S) suite aux éruptions volcaniques.
L’analyse par la ChemCam des rocs Crest (le 13 décembre) et Rapitan (le 23 décembre) montrant la présence de calcium et de sulfure, caractéristiques du gypse ou de la bassanite (doc. NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS)
Vue par la Chemcam de la zone analysée sur le roc Crest (doc. NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS)
Vue par la Chemcam de la zone analysée sur le roc Rapitan (doc. NASA/JPL-Caltech/LANL/CNES/IRAP/LPGNantes/CNRS)
On peut penser que le gypse martien est né de la rencontre de l’eau riche en calcium du sol de Mars avec l’atmosphère très chargée en soufre de l’âge Theiikien(+/- Hespérien) de la planète notable par son intense activité volcanique.
On peut donc, pour l’instant, déduire de l’observation de ces petites veines blanches que, dans le fond du cratère Gale asséché, des résurgences d’eau encore chaude suite à l’impact ayant créé le cratère, vers -3,8 milliards d’années, et très chargées en minéraux, ont rempli les fissures du sol. Il est peu probable qu’il y ait alors eu un lac car on trouverait le gypse en banc plutôt que sous cette forme « sèche » et interstitielle. D’ailleurs les solutions les plus saturées en sel (donc les moins riches en eau) sont celles qui sont le plus susceptibles de produire directement de la bassanite plutôt que du gypse stricto sensu. La bassanite étant surtout une roche évaporitique secondaire (qui subit une transformation après sa formation), il est aussi possible (sans exclure la formation directe) que les premières concrétions aient été du gypse intersticiel avant que le cratère se remplisse de sédiments qui par la force de leur pression a pu réduire ce gypse en bassanite.
Image Mastcam du 25 décembre montrant de nombreuses veines blanches (doc. NASA/JPL-Caltech/MSSS)
Détail de certaines veines de l’image ci-dessus (doc. NASA/JPL-Caltech/MSSS)
Ne vous inquiétez pas, grâce aux instruments embarqués par Curiosity et les autres observations qu’ils vont permettre, on va finir par savoir ce qu’il s’est réellement passé !
Superbe article merci 🙂
Des hypothèses très justes sont proposées, passionant !