On subodore depuis plus de 30 ans que Mars – au riche passé volcanique mais surtout hydrologique voire hydrothermale – possède des grottes, des gouffres, des cavernes…
On subodore donc, que ces mêmes lieux souterrains, mis en place par des coulées de laves ultérieurement évidées par l'érosion, par des systèmes thermokarstiques dont l'origine est liée à l'impactisme, par de l'hydrothermalisme… sont (ou ont été) des lieux propices au stockage d'eau (liquide ou non) et donc éventuellement à la prolifération du vivant si tant est qu'il ait pu apparaître. Bref, le sous-sol martien, à l'abri des UV et des regards intéresse les planétologues depuis des lustres… bien que les moyens d'observation étaient jusque-là peu adaptés à ce type de problématique.
Aujourd'hui donc, grâce aux observations de THEMIS à bord de Mars Odyssey, des gouffres ont été observés sur Mars. Et c'est une première !
Les planétologues à l'origine de l'étude ont analysé les clichés THEMIS (pris dans le visible et l'infrarouge tôt le matin) et ont découvert que certains présentaient de petites taches noires près du volcan Arsia Mons.
Ils ont en fait identifié sept taches circulaires et les ont baptisées les sept sœurs. Ces taches noires ne ressemblent pas aux cratères d'impact classiques car elles ne présentent ni rebords relevés, ni éjectas, ni bombement interne, ni tout autre morphologie d'impact. Il semble que l'on ait à faire à des cavités, plus proches d'une morphologie d'effondrements. Il est toutefois difficile du fait des conditions des prises de vue (proches du Nadir), de déterminer si ces structures noires sont des gouffres et des grottes ou des axes verticaux profonds. De même, il est aujourd'hui impossible de dire si ces structures sont purement d'origine volcanique ou si elles sont hydrothermales… bien que la proximité du volcan fasse plutôt pencher pour la première hypothèse.
Pour mémoire, il n'est pas inutile de préciser la terminologie employée sur Terre. Dans les dictionnaires grand public, voici les définitions des termes grotte, caverne et gouffre :
– grotte : excavation naturelle. Cavité se développant essentiellement horizontalement.
– caverne : excavation souterraine, naturelle, vaste et profonde.
– gouffre : cavité béante très profonde, se développant en premier lieu, verticalement.
Ces termes sont plus ou moins synonymes mais il conviendrait toutefois de différencier les différents types de structures souterraines en fonction de leurs origines, leurs morphologies, leurs caractéristiques géologiques et cela sur Terre … comme sur Mars !
Description
Les sept taches ont des diamètres compris entre 100 et 252 m (selon des estimations réalisées à partir des images THEMIS VIS à 18 m par pixel de résolution). Du fait que le fond de ces structures ne soit pas illuminé par le Soleil, la profondeur ne peut être qu'estimée ; à partir du diamètre ÷ tan(angle d'incidence), elle pourrait varier au minimum entre 73 et 96 m.
Cependant et par un heureux hasard, la caméra MOC à bord de MGS a imagé une fois l'une des structures, Dena, vers 14h00 heure locale et a révélé son plancher. Par photoclinométrie, les planétologues ont obtenu une valeur de la profondeur estimée à environ 130 m quand THEMIS permet de l'évaluer à 80 m au moins (à 100 m de résolution).
Au regard de cette découverte, il convient maintenant de reprendre les clichés MOC sous un nouveau regard, dans les régions volcaniques comme ailleurs et de chercher méticuleusement d'autres structures du même genre… Dans les années à venir, MRO tentera à son tour des clichés haute résolution des ces structures et devrait permettre d'en découvrir de nouvelles…
Quant géologues, ils estiment que des grottes et autres cavités souterraines sur Mars pourraient permettre d'éviter des forages coûteux et techniquement complexes.
Enfin, pour les ingénieurs et les astronautes qui travaillent sur des scénarios de vols habités, ces cavités pourraient être autant d'habitats hospitaliers pour de futures missions pilotées…
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Images : NASA