Il semble établi que la surface de Mars soit recouverte de perchlorates, tout comme le désert d’Atacama où on les a recherchés après les résultats des expériences des sondes Viking et où on les a trouvés. Cela n’est pas surprenant considérant la similitude des environnements. Il semble que ces perchlorates proviennent du rayonnement ultraviolet qui facilite l’oxydation des éléments chlorés contenus dans le sol, en l’absence d’eau (et donc dans les milieux arides). Sur Mars l’oxygène (l’oxydant !) provient des quelques molécules d’oxygène libre de l’atmosphère et des molécules de CO2.
Le problème des perchlorates (anion ClO4–) c’est qu’ils sont extrêmement hydrophiles et corrosifs (l’« eau de javel » est du chlorate de sodium qui électrolysé donnera de l’hydrogène et du perchlorate de sodium) et qu’ils décomposent facilement les éléments carbonés. Lorsqu’on chauffe des perchlorates avec des composés organiques, on obtient, outre de l’eau et du dioxyde de carbone, des chlorohydrocarbones (on a fait l’expérience en chauffant des perchlorates de magnésium du désert d’Atacama avec des composés organiques). Ce sont ces chlorohydrocarbones qui ont été identifiés sur Mars aussi bien par les sondes Viking que par Phoenix après qu’ils eurent chauffé des échantillons de sol aux trois endroits très différents de la planète où ils se sont posés.
Le premier examen d’échantillon de Curiosity par le laboratoire embarqué SAM indique encore une fois, après chauffage et expression des éléments gazeux de la roche, la libération simultanée, vers 400°C, de molécules de composés chlorés et d’oxygène donc la présence de perchlorates. Il n’y a maintenant pas de doute, les perchlorates sont omniprésents à la surface de Mars.
Les analyses par SAM des prélèvements sur les sites Rocknest et John Klein par Curiosity. L’abondance des produits élémentaires trouvés est indiquée en fonction de la température de chauffage. Ces courbes constituent une signature des différentes roches. Ainsi le deuxième maximum d’eau situé vers 750°C est caractéristiques des argiles. L’oxygène dégagé vers 350°C provient probablement des perchlorates.(Docs. NASA/JPL-Caltech/GSFC)
La prochaine étape est de comprendre pourquoi on n’a pas encore trouvé de composés organiques à la surface de Mars. Sur Mars, comme sur Terre, la surface de la planète devrait être couverte de molécules organiques provenant des météorites qui la bombardent depuis la nuit des temps, sans compter celles qui pourraient résulter d’un processus biologique comme celui que nous avons connu sur Terre.
Comme on pense que c’est le fait de chauffer les échantillons qui déclenche la destruction des composés organiques par « excitation » des perchlorates, on a équipé le SMS (Sample Manipulation System par lequel passent tous les échantillons) du laboratoire SAM de Curiosity de sept coupelles qui contiennent un liquide réactif qui doit permettre des analyses à froid (ou à faibles températures). Comme il n’y a que sept coupelles, la NASA et les responsables de SAM sont très prudents. Pour le moment ils réfléchissent à l’interprétation des données reçues car les signaux d’essais ne sont pas clairs. Il pourrait y avoir eu une fuite du liquide réactif et il pourrait également subsister certaines molécules terrestres dans l’appareil ou dans leurs tuyaux / sas d’approvisionnement.
Les différents éléments de SAM. Pour plus d’informations sur l’expérience SAM qui comporte des éléments français développés par les laboratoires LATMOS et LISA, voir http://sam.projet.latmos.ipsl.fr/SAM_GC_Instrument.html et http://sam.projet.latmos.ipsl.fr/SAM_GC_SAM.html (doc. NASA/JPL-Caltech)
Il faut donc encore attendre mais les perspectives sont passionnantes car, comme il est à peu près certains que le perchlorate a jusqu’à présent détruit les molécules organiques qui ont été chauffées en même temps que lui, nous devrions bientôt savoir, avec ces expériences « à froid » quelles sont ces molécules organiques qui étaient présentes et qui ont disparu. Comme on sait par ailleurs maintenant que des archées terrestres peuvent prospérer sur les perchlorates (voir https://www.planete-mars.com/des-archees-pourraient-prosperer-sur-les-perchlorates-martiens/), on peut rêver à la possibilité de trouver des indices de l’existence passée ou présente de cousines de ces toutes petites bêtes en surface de Mars!