Communiqué du 10 juillet 2014 sur le site du JPL (voir, en anglais, http://www.jpl.nasa.gov/news/news.php?release=2014-226) de Guy Webster (Jet Propulsion Laboratory, Pasadena) et J.D. Harrington (siège de la NASA, Washington DC)
Traduction Pierre Brisson
Des observations à haute résolution faites en nombre important par l’orbiteur « Mars Reconnaissance Orbiter » de la NASA (« MRO ») montrent que les ravines (« gullies ») à la surface de Mars sont principalement formées par le gel saisonnier de dioxyde de carbone (CO2) et non par de l’eau liquide. En 2000, les premiers rapports sur des gullies en formation sur Mars, suscitèrent beaucoup d’émotion et de titres dans les journaux car ils suggéraient la présence sur la Planète Rouge, d’eau liquide, dont l’action érosive génère aussi ici sur Terre des ravines. Il y a sur Mars de la vapeur d’eau et beaucoup d’eau sous forme de glace mais la présence d’eau liquide, une nécessité pour toute vie connue, n’a pas été confirmée. Ce dernier rapport sur les gullies vient d’être mis en ligne par la revue Icarus.
Les flèches indiquent les changements survenus dans cette zone de 150 m de large, située par 37,7 ° de latitude Sud et 192,9 ° de longitude Est, entre le 30 mai 2007 et le 31 mai 2013 (doc. NASA/JPL-Caltech/University of Arizona)
Zoom sur les zones où des modifications sont apparues (doc. NASA/JPL-Caltech/University of Arizona)
L’auteur principal de l’article, Colin Dundas de l’U.S. Geological Survey’s Astrogeology Science Center à Flagstaff, Arizona,déclare : « Il y a cinq ans à peine, je pensais que les ravines martiennes étaient un signe de présence d’eau liquide. Depuis, nous avons pu effectuer beaucoup plus d’observations. Ainsi, en suivant davantage de ces phénomènes et en nous focalisant sur les périodes propices à leur formation et à leur évolution, nous avons constaté que c’était en hiver qu’ils étaient actifs. »
Dundas et ses collaborateurs ont utilisé la caméra HiRISE (pour « High Resolution Imaging Science Experiment ») embarquée sur l’orbiteur MRO, pour examiner les gullies de 356 sites sur Mars, en commençant en 2006. Trente-huit de ces sites ont montré des gullies actives, par exemple de nouvelles sections de chenaux et de nouveaux dépôts en bas des pentes.
L’utilisation d’images « avant/après » a permis aux chercheurs de déterminer que cette activité coïncidait avec le gel saisonnier du dioxyde de carbone et avec des températures qui n’auraient pas permis à l’eau d’être liquide.
Le dioxyde de carbone gelé, communément appelé « glace sèche », n’existe pas naturellement sur Terre mais il est abondant sur Mars. On l’a rapproché de processus actifs tels que des geysers de gaz et des lignes sur les dunes de sable creusées par des blocs de glace carbonique. Un mécanisme par lequel la glace carbonique pourrait alimenter le flux des gullies, serait la sublimation du gaz à partir de la glace qui donnerait une lubrification permettant à la matière sèche de fluer. Un autre serait l’éboulement résultant de l’accumulation de masses de glace saisonnière sur des pentes raides.
Les résultats de ce dernier rapport suggèrent que tous les gullies d’apparence « fraiche » observées sur Mars peuvent être attribués à des processus en cours, alors que les hypothèses antérieures suggéraient qu’elles s’étaient formés il y a des milliers ou des millions d’années, lorsque les conditions climatiques pouvaient avoir permis la présence d’eau liquide sur Mars.
Les co-auteurs de Dundas pour ce nouveau rapport sont Serina Diniega du Jet Propulsion Laboratory de la NASA, Pasadena, et Alfred McEwen de l’Université d’Arizona, Tucson.
« La plupart des informations que nous avons sur la formation des gullies et d’autres processus actifs, ont été obtenues grâce à la longévité de MRO et des autres orbiteurs » déclare Diniega. «Cela nous a permisde faire des observations répétées des mêmes sites pour examiner les changements de surface au fil du temps. »
Bien que ce qu’on ait trouvé sur les gullies indique des processus qui n’impliquent pas d’eau liquide, une action possible de l’eau liquide sur Mars a été rapportéecette année par l’équipe HiRISE dans d’autres résultats. Il s’agit d’observations d’un type d’écoulements de surface de moindre ampleur (ndt : les « Reccuring Slope Lineae » ou « RSL », qui sont effectivement en général moins longues et plus fines que les gullies).
Un prochain numéro spécial d’Icarus comprendra plusieurs rapports sur les différents processus actifs sur Mars, y compris ces plus petits flux qui sont de fortes indications de présence d’eau liquide sur Mars encore aujourd’hui.
«J’aime que Mars puisse encore nous surprendre », déclare Dundas. « Les gullys martiennes sont des traits de reliefs fascinants qui nous permettent d’enquêter sur un processus qu’on ne peut tout simplement pas voir sur Terre. »
Commentaire (Pierre Brisson):
Rien de bien nouveau dans cette information mais plutôt une confirmation : le rôle du gaz carbonique à la surface de cette planète très froide relativement à la Terre (puisqu’elle permet la formation de glace carbonique). Quant à l’eau elle est certainement à l’origine des RSL même si ce n’est pas forcément elle qu’on voit en surface mais plutôt l’effet indirect de son cheminement (peut-être simplement un suintement) souterrain. En effet le phénomène est saisonnier et se produit pendant la saison chaude dans les zones intertropicales. C’est un type « d’activités » (comme le dit Dundas) qu’il faudra aller explorer car si l’eau se manifeste très près de la surface, il doit y en avoir des quantités non négligeables (aquifères ?) aux sourcesde ces RSL. Mais attention ! L’eau qui provoque les écoulements n’est quand même pas omniprésente : sur les 200 sites susceptibles de permettre leur formation qui ont été examinés, seuls 13 ont effectivement montré ces traces caractéristiques.
Voir également sur ce thème de la création des ravines par le CO2 : https://www.planete-mars.com/12222/