Malgré le récent report de la mission MSL-09 à 2011 au lieu de 2009, la sélection du site d'atterrissage de cette mission fondamentale, se poursuit. Comme toujours dans pareil cas, ce long processus scientifique est guidé par les contraintes des ingénieurs. Pour mémoire, en 50 ans, seuls six engins ont été posé avec succès sur Mars.
Carte des 6 sites d'atterrissages des sondes passées (en jaune) et des 7 sites potentiels pour MSL (en blanc).
Pour le cas de la sonde MSL, plus de 100 sites étaient étudiés par des équipes du monde entier depuis juin 2006. Une première sélection ramena la liste à 33 sites, à étudier en détails, sous toutes les coutures, avec les moyens modernes (MRO, MEX, MO), mais aussi avec les données acquises par les sondes spatiales précédentes (MGS et Viking). Sur les 33 sites, le comité de sélection, composé d'une centaine de spécialistes, en a conservé en septembre 2008 seulement 7 potentiellement intéressants dans le cadre de cette mission bien particulière.
Carte des 4 sites hautement prioritaires pour la mission MSL : Eberswalde, Gale, Holden et Mawrth Vallis.
Enfin, en novembre dernier, le même comité a retenu parmi les 7 sites, 4 sites hautement prioritaires. Ils feront l'objet d'études minutieuses durant les prochains mois. En voici pour l'heure, quelques caractéristiques générales… en attendant de savoir mi-2009, quel sera le site définitif (bien qu'il n'y ait plus d'urgence à le déterminer suite au récent report de la mission à 2011).
Eberswalde, où un ancien fleuve a façonné un delta et peut-être aussi un lac.
Détail du cratère Eberswalde.
Le cratère Eberswalde offre la chance d'explorer un très vieux delta mis en place par un fleuve. En fait, un delta est l'une des formations géomorphologiques les plus évidentes de la présence passée d'un fleuve et du ruissellement de l'eau à sa surface. Les chenaux dans le delta ont méandré au fil du cours, dans le temps et l'espace, et ceci afin de dissiper l'énergie des flots, latéralement. Les courants ont façonné de nouveaux chenaux, abandonnant derrière eux des formes et formations caractéristiques, dont notamment des accumulations locales de sédiments charriés depuis l'amont.
On constate aujourd'hui que plusieurs dépôts de sédiments sont hauts perchés par rapport aux terrains environnants. Il s'agit là très probablement d'un signe d'érosion différentielle. Les dépôts en présence ont été induré puis ont résisté à l'érosion locale, pour finalement subsister dans leur forme actuelle. Plusieurs orbiters ont détecté la présence d'argiles dans ces sédiments, indice supplémentaire qu'ils sont très probablement d'origine hydratée. Les argiles se forment en effet quand l'eau dissout les roches en fractions très fines puis les assemble en couches, à la manière d'un mille-feuilles…
Gale, un cratère d'impact avec au centre une montagne érodée faite de couches sédimentaires empilées, elles-mêmes composées d'argiles et de sulfates.
Détail du cratère Gale.
Le cratère Gale localisé à 5,4°S par 137,7°E, fait 155 km de diamètre. C'est un endroit fascinant à explorer en raison de son pic central très étonnant, qui est une sorte de montagne en forme de croissant et qui s'élève en son centre à près de 5 km de haut ! Cette montagne est composée de matériaux stratifiés, probablement des couches sédimentaires accumulées là par des agents de l'érosion non encore identifiés.
Les couches géologiques observées dans Gale racontent l'histoire passée et très tourmentée de Mars, à l'époque où les éléments n'étaient pas ceux que l'on observe aujourd'hui… On observe depuis l'orbite, que ces couches sont composées de différents minéraux en fonction de leur position et épaisseur. Les matériaux en présence les composant ne sont donc pas homogènes et n'ont pas les mêmes origines. Ainsi, on y trouve des argiles dans les couches inférieures. Au-dessus, les couches contiennent du soufre.
Les eaux de ruissellement ont façonné et mis en place des chenaux aussi bien dans les remparts et sur le plancher du cratère que sur son pic central. Pour explorer au mieux le cratère Gale, MSL devra se poser dans une zone plate (au Nord du pic) puis rouler vers le pic, en étudiant couche par couche…
Holden, un cratère d'impact contenant des sédiments alluviaux, des dépôts d'inondation, des terrasses étagées et des dépôts riches en argiles.
Détail du cratère Holden.
Le cratère Holden fait 153 km de diamètre et se situe vers 21°S par 326°E. C'est un très bel exemple de "crater-lake", ces fameux cratères d'impact martiens connectés à des chenaux fluviatils (comme le cratère Gusev par exemple). Holden offre cependant des particularités uniques, comme notamment le fait d'être aussi connecté à d'autres cratères d'impact par un même chenal (Uzboi Vallis), le tout formant une sorte de "cluster". Le cratère Holden présente également des traces morphologiques indiquant le passage de flots liquides sur son plancher, flots qui ont façonné des paysages caractéristiques, comme des ravines, des chenaux, des méandres, des accumulations de sédiments…
Ces dépôts sont âgés de plus de 3 milliards d'années et datent d'une ère géologique plus humide que celle d'aujourd'hui. Certaines hypothèses proposent qu'une inondation catastrophique et massive a pu ouvrir une brèche dans le rempart du cratère, le défonçant partiellement et libérant de ce fait de vastes quantités d'eau liquide stockées en amont du chenal, dans le cratère lui-même. L'eau disparut plus ou moins rapidement puis l'érosion éolienne fit le reste, érodant la surface et exposant de vieux dépôts de sédiments. Les vents ont mis en place des rides et des dunes, toujours visibles.
Il faut noter toutefois que les terrains les plus lisses forment une couronne dans le cratère, comme si de gigantesques fluages de matériaux sembables à des glaciers rocheux, s'étaient répandus par des ravines et des petits chenaux, en provenance des remparts et du haut plateau voisin…
Mawrth Vallis, qui montre des couches géologiques contenant au moins deux types d'argiles.
Détail de Mawrth Vallis.
Mawrth Vallis (la vallée de Mars en gallois) fait plus de 600 km de long et se situe à 22°N par 343,5°E. C'est le site français de la mission MSL, car il est en effet porté par l'équipe du professeur Bibring, de l'IAS à Orsay.
Mawrth Vallis se situe dans la zone de transition de Mars, entre les hauts plateaux cratérisés de l'hémisphère Sud et les basses plaines resurfacées de l'hémisphère Nord. Cette région pose toujours aux planétologues de nombreuses questions, sans réponse à ce jour. Ainsi, Mawrth Vallis est un chenal formé par l'écoulement catastrophique de grandes quantités d'eau. Il est vraisemblable que plusieurs écoulements distincts et successifs se soient produits ici et non qu'une seule et unique lame d'eau ait mis en place cela. On observe ainsi des couches géologiques superposées les unes aux autres et des abrupts aux allures de falaises, contenant des argiles qui sont en fait des phyllosilicates, formées en présence d'eau…
Comme on le voit, les 4 sites d'atterrissages proposés sont tous plus fascinants les uns que les autres. Qui que soit le finaliste, l'exploration de l'une de ces régions martiennes promet de belles heures de l'astronautique, et probablement de grandes découvertes scientifiques sur le passé géologique et climatique de notre vosine rouge… Rendez-vous en 2012.
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Images : NASA.