En sciences de la Terre, on a définit plusieurs types de pôles Nord et pôles Sud sur les corps planétaires.
Ainsi, le pôle géographique est un point, l'une des deux extrémités de l'axe de rotation d'un astre, étoile, planète ou satellite…Un astre possède donc deux pôles géographiques, situés à 90° de son équateur, de part et d'autre de celui-ci. Si l'astre est sphérique, les deux pôles sont situés à égale distance de l'équateur. Dans le cas de la Terre, l'extrémité Nord de l'axe de rotation est appelée pôle Nord et se situe à 90° de latitude Nord. L'extrémité Sud est appelée pôle Sud et se situe à 90° de latitude Sud.
Mais on a aussi sur certains corps du Système Solaire, la notion de pôle magnétique, que l'on définit comme un point de "convergence" des lignes de forces du champ magnétique présentes. Ainsi, on parlera de pôle Nord magnétique et de pôle Sud magnétique par analogie aux pôles géographiques. Sur Terre, les pôles magnétiques sont très sensiblement éloignés des pôles géographiques et sont mobiles en permanence…
Sur Mars, point de pôles magnétiques, mais il existe bel et bien deux pôles géographiques, un au Nord et l'autre au Sud de la planète. Et comme sur Terre, deux calottes polaires y sont perchées. Enfin, pas tout à fait car on sait depuis longtemps, que la calotte polaire Sud n'y est pas vraiment bien centrée, surtout en été ! Et personne jusqu'à récemment ne s'expliquait cette constatation.
C'était sans compter la sonde européenne Mars Express, toujours en orbite autour de la planète rouge et qui participe à étudier les régions polaires Sud notamment.
Cette mosaïque d'images provient de la sonde Mars Express et de sa caméra OMEGA. On y observe la calotte polaire Sud résiduelle, à la fin du printemps austral. La calotte apparaît très nettement assymétrique par rapport au pôle Sud géographique. En fait, son centre est décalé de 3°.
En fait, en plein été austral, la calotte polaire Sud dite résiduelle (car l'essentiel de la glace carbonique et de la glace d'eau a sublimé) est décentrée de 3 à 4° par rapport au pôle Sud géographique.
Marco Giuranna, de l'Instituto di Fisica dello Spazio Interplanetario CNR (IFSI, Rome, Italie) a étudié avec son équipe de planétologues, les données de l'instrument PFS fonctionnant dans l'infrarouge (Spectromètre Fourier Planetaire). Cet instrument a mesuré la température de l'atmosphère martienne entre 0 et 50 km d'altitude, dans la région polaire Sud, pendant plus d'une demi-année martienne.
Et ce sont deux véritables systèmes climatiques régionaux qu'ils ont découvert en observant le comportement du dioxyde de carbone dans l'atmosphère et au sol, entre l'automne et l'hiver austral. Ces systèmes sont dérivés des forts vents d'Est qui caractérisent la circulation atmosphérique martienne aux latitudes moyennes. Ces vents soufflent directement dans le bassin Hellas, la plus grande structure d'impact de Mars (d'un diamètre de 2300 km et d'une profondeur de 7 km), située dans l'hémisphère Sud. La profondeur du cratère et la hauteur de ses remparts canalisent les vents et créent ce que l'on appelle sur Terre, les "ondes de Rossby".
Sur Mars, ces ondes re-routent les vents de haute altitude et les conduisent vers le pôle Sud. Dans la partie occidentale de l'hémisphère Sud, ceci crée un système de très basse pression, et dans la partie orientale, un système de haute pression.
Marco Giuranna a constaté que la température du système à basse pression est souvent au-dessous du point de condensation du dioxyde de carbone. Ainsi à l'Ouest, le dioxyde de carbone atmosphérique condense et précipite sous forme neigeuse pour s'accumuler au sol en couches épaisses. A l'Est, dans le système à haute pression, les conditions ne sont jamais réunies pour que de la neige carbonique ne se forme, et la surface ne se recouvre que de givre peu épais. Ainsi, la calotte polaire Sud de Mars est construite par deux mécanismes climatiques très différents.
La suite est délectable : les zones fortement enneigées ne sublimeraient pas durant l'été parce qu'elles reflètent plus de lumière solaire dans l'espace que les zones simplement recouvertes de givre (les grains de givre étant plus gros que les grains de neige, ils capteraient plus d'énergie et sublimeraient).
Ainsi région occidentale de la calotte Sud de Mars, constituée de glace carbonique et de givre, non seulement a une plus grande quantité de glace carbonique déposée en surface mais sublime également plus lentement pendant l'été, tandis que la région orientale, constituée uniquement de givre, disparaît complètement à cette même période. Voilà pourquoi la calotte résiduelle australe n'est pas symétriquement placée autour du pôle Sud géographique de Mars.
De fait, on pourra désormais parler sur Mars de pôles glaciaires. Ainsi au Nord comme au Sud, le centre des deux calottes glaciaires en été comme en hiver ne sera pas confondu avec les pôles Nord et Sud géographiques de la planète rouge…
© Texte : Gilles Dawidowicz/APM.
© Image : ESA/F. Altieri (IFSI-INAF) et l'équipe OMEGA.