NdT : Le rapport ci-dessous permet de mesurer tout l’intérêt présenté par ce genre de missions, lorsque de vrais scientifiques se rendent à la MDRS avec des programmes d’expérimentation de haut niveau. La Mars Society, qui a érigé cette station de simulation, participe ainsi activement à la préparation des futures expéditions d’exploration humaine.
L’Académie du centre Ames de la NASA a terminé sa mission à la Mars Desert Research Station de la Mars Society.
L’équipage 99 était composé de six étudiants (niveau études supérieures et premier cycle) de l’Académie Ames (session été 2010). Les membres avaient des compétences recouvrant un large éventail de spécialités d’ingénierie et de disciplines scientifiques. Ils ont abordé cette expérience avec beaucoup d’attentes et une longue liste de projets.
L’équipage:
Donna Viola (Université du Maryland) – commandant ; collecte d’échantillons d’endolithes, chef du projet « LAMBDA » (voir ci-après) ;
Heidi Beemer (Virginia Military Institute) – chef de groupe et géologue en chef; en charge du projet Abri géologique martien, responsable scientifique du projet LAMBDA ;
Kevin Newman (Université d’Arizona) – ingénieur en chef, responsable ingénierie de LAMBDA ;
Andie Gilkey (MIT) – Health Science Online (« HSO ») / biologiste en chef pour SEXTANT ;
Sukrit Ranjan (Harvard University) – astronome de l’équipage et journaliste; opérateur de l’observatoire Musk ;
Max Fagin (Dartmouth College) – mécanicien navigant / astronome; Projet GreenCube3, assistant pour l’observatoire Musk.
Soutien supplémentaire pour la planification et le développement du projet LAMBDA, fourni par Albert Jimenez (Université de Columbia), Alex Bogatko (Université du Michigan), Ted Steiner (MIT), et Corey Snyder (Université du Colorado).
Les Projets :
Equipement de détection et de suivi du métabolisme biologique et des signes vitaux (« LAMBDA » pour « Life Analysis and Metabolic Biological Detection Apparatus »):
LAMBDA était l’expérience principale de notre rotation, commencée durant l’été 2010. Initialement conçues pour la production d’électricité, les cellules microbiennes énergétiques (« MFCs » pour « Microbial Fuel Cells ») utilisent le métabolisme de micro-organismes pour générer du courant électrique. Les MFCs se composent d’une anode et d’une cathode connectées par un matériau conducteur et séparés par une membrane perméable aux protons. L’anode est immergée dans un échantillon de sol susceptible de contenir des micro-organismes. Ces microorganismes libèrent des électrons par une réaction métabolique d’oxydoréduction. Les électrons sont attirés par l’anode et voyagent à travers un conducteur externe, chargé, jusqu’à la cathode – créant ainsi un courant mesurable. Notre expérience utilise les principes d’une MFC pour détecter la vie en comparant les mesures de voltage d’un échantillon de sol en suspension dans de l’eau avant et après avoir été porté à une température stérilisante de 95 ° C . Si l’échantillon contient de la vie, le voltage avant stérilisation doit être supérieur au voltage après stérilisation. En principe même les organismes non basés sur le carbone devraient métaboliser en utilisant des réactions d’oxydoréduction. Cette technique pourrait donc détecter des organismes extraterrestres avec métabolismes inconnus. L’objectif de notre mission à la MDRS était d’utiliser notre MFC pour détecter la vie dans des échantillons de sol du désert.
Les sites de prélèvements d’échantillons ont été choisis en fonction de leur potentiel pour contenir des micro-organismes, principalement là où il y avait des traces d’écoulement d’eau. Un test initial avec le premier échantillon a révélé qu’un mouvement d’agitation était nécessaire pour éviter que la suspension ne se dépose, et un mécanisme a été improvisé, modifiant légèrement le dispositif du MFC, pour créer une agitation magnétique sur un support mobile. Cela s’est avéré efficace.
Le voltage de référence avant stérilisation du premier échantillon a été presque constant à 195mV. Après une heure de stérilisation de l’échantillon à une température de 95 ° C, le voltage s’est établi à 140mV. Cette diminution du voltage a pu indiquer la présence de micro-organismes dans l’échantillon! Ces résultats, ainsi que les expériences effectuées sur deux échantillons restants, seront confirmés en utilisant la microscopie à fluorescence après notre retour de la MDRS.
En plus de la confirmation des résultats sur le terrain en utilisant des techniques de laboratoire, notre expérience avec LAMBDA a révélé plusieurs modifications de conception qui peuvent grandement améliorer la facilité d’utilisation de l’appareil, y compris le mécanisme d’agitation et des modifications mineures du logiciel. Avec un développement tenant compte de l’acquis résultant des tests sur le terrain à la MDRS, le projet LAMBDA pourrait être un moyen valable de détecter de la vie sur un terrain extraterrestre.
Projet Mars Geologie Shelter:
En raison des radiations parvenant jusqu’à la surface du sol de Mars, les colons devront très probablement s’abriter dans sous le sol. Au début on utilisera les grottes, mais au fur et à mesure que la civilisation s’étendra et que les grottes se rempliront, les tunnels seront la prochaine étape logique. Un facteur important dans tout projet de tunnel est la structure du toit. Il est donc impératif que la structure de la roche soit analysée avant d’entreprendre un projet de tunnel. La meilleure façon de classifier la géomécanique d’un site est d’utiliser l’échelle de masse de roche ou « RMR » de Bieniawski (1972). Cette notation utilise six paramètres pour classer les formations rocheuses: résistance à la compression uniaxiale du matériau rocheux, Rock Quality Designation (RQD soit importance des fracturations de la roche), espacement des discontinuités, état des discontinuités, conditions des flux d’eau souterraine, et orientation des discontinuités. On attribue des notes à ces six paramètres sur la base des conditions prévalentes pour chacun. Le nombre RMR final est un nombre de 1 à 100 additionnant toutes les notes combinées. Ces paramètres sont basés sur des rapports de terrain et le RMR dira à l’ingénieur quel devrait être le comportement de la roche, en lui fournissant des données quantitatives pour la conception technique.
La géologie unique du San Rafael Swell (Utah) permet en de nombreux endroits de construire des tunnels qui pourraient être utilisés comme abris pour ce type de colonisation. Le but de cette étude est de calculer un indice RMR de roche satisfaisante ou mieux (indice 61 à 100) pour trois centres d’hébergement possibles.
Les trois sites qui ont été considérés sont situés aux coordonnées UTM (« Universal Transfer Mercator ») suivantes, respectivement: 0518156 4250273, 0519731 4251449, 0520249 et 4251141. Sur la base des paramètres ci-dessus, des notes de 63 ; 74 et 65 RMR ont été attribuées pour chacun des trois sites. Ces notes entrent toutes dans la « classe II » des bonnes roches et disent que les sites sont des candidats acceptables pour de futurs projets de tunnels permettant le développement de la colonisation.
Outil d’analyse de parcours d’exploration en surface (SEXTANT pour « Surface Exploration Traverse Analysis Tool »):
Sextant est un outil de planification de mission d’activités extra véhiculaires (« EVA ») développé en MATLAB (NdT : langage de programmation) par des étudiants diplômés du MIT, qui calcule le chemin le plus efficace entre les points d’intérêts sur une surface planétaire. Les explorateurs peuvent être des astronautes à pied, des astronautes sur rovers de transport, ou des robots sans pilote humain. L’efficacité du parcours peut être optimisée en fonction de la distance à parcourir, du temps, ou de la consommation d’énergie de l’explorateur (la dépense métabolique des astronautes ou la consommation en énergie des rovers de transport). L’utilisateur peut sélectionner les points d’intérêt et le temps consacré à chacun et peut visualiser une carte 3D de la trajectoire optimale. Une fois le chemin optimal généré, la charge thermique imputée aux astronautes en scaphandre ou la production d’énergie solaire des rovers sont affichées ainsi que le temps total nécessaire pour le parcours et la distance parcourue.
Une étude a été menée pour voir s’il y avait une différence statistique entre la consommation d’énergie, le temps ou la distance des EVA déterminés par SEXTANT et les valeurs réelles. La consommation d’énergie a été déterminée en mesurant la masse, la taille et la fréquence des rythmes cardiaques des astronautes sur le parcours, en utilisant les équations de consommation d’énergie. La distance parcourue a été mesurée en utilisant un GPS. On a constaté que les résultats réels de temps EVA étaient significativement plus long que ceux prévus par SEXTANT (p <0,01). Les différences en distances parcourues n’ont pas encore été analysées.
Une deuxième étude a été effectuée pour voir si les modifications de planification des missions, ou les planifications d’urgence, étaient plus rapides et demandaient moins de travail en utilisant SEXTANT dans l’habitat ou à l’aide d’un iPad sur le terrain. Les mesures de temps et la charge de travail ont été recueillies pour chaque sujet dans les deux conditions. La planification d’urgence a pris beaucoup moins de temps lorsqu’elle était réalisée dans l’habitat plutôt que sur le terrain (p <0,05). Il n’y avait pas de différence significative de charge de travail en cas de planification d’urgence dans l’un ou l’autre de ces deux endroits, mais le besoin en temps était légèrement moins fort lorsque la planification se faisait dans l’habitat (p <0,1). Tous les opérateurs ont fait remarquer que c’était un problème d’emporter le planificateur de mission sur le terrain et qu’il était difficile de voir l’écran en plein soleil. Le planificateur de mission SEXTANT continuera d’être amélioré selon les résultats et les recommandations des sujets de cette étude.
Astronomie:
L’objectif de la mission d’astronomie était d’aider à restaurer la fonctionnalité de l’observatoire Musk et de caractériser son fonctionnement.
Nous avons mesuré le taux de dérive du télescope en imageant la galaxie M45 avec le capteur CCD (« Charge-Coupled Device ») le 4 février après un processus d’alignement sur 6 étoiles. Nous avons mis en évidence un taux élevé de dérive de 0,35 ± 0,1 arcsec / seconde. Nous avons réaligné la tête équatoriale le 8, en alignant l’axe de rotation avec le PCN (« Pôle Céleste Nord »). Nous avons déterminé le PCN en visualisant les astres dans le voisinage de l’étoile polaire. Nous avons imagé la région autour de Regulus et de M45 le 9 avec un alignement sur 4 étoiles, et avons trouvé des taux de dérive d’environ 0,1 arcsec / seconde près de Regulus et de 0,2 seconde d’arc / seconde près de M45. Nous ne savons pas pourquoi les deux régions présentent des taux de dérive différents mais il convient de noter que l’image de M45 affiche une piste de déplacement avec un léger décalage dans le milieu de la piste, ce qui suggère que le télescope a été perturbé au cours des observations et que nous avons pu surestimer la dérive dans l’environnement de M45. Néanmoins, des améliorations supplémentaires sont nécessaires pour que le télescope soit utilisable pour des observations scientifiques.
Nous avons connecté la webcam au télescope et imagé Saturne et la Lune. Une note pour les prochains astronomes : il apparaît que pour focaliser la webcam, il faut aller en dehors de la position de mise au point visuelle. Il semble également que le miroir diagonal ne doit pas être utilisé lorsqu’on utilise la webcam. Nous n’avons pas pu focaliser avec le miroir diagonal, mais sans lui, nous avons obtenu de très belles images. Nous avons été en mesure d’utiliser la webcam et le télescope à l’appui de l’expérience GreenCube.
La commande manuelle est affectée par le froid, et passe souvent en caractères grecs ou s’éteint. Une solution à long terme serait une sorte de gant chauffant pour la commande manuelle (chauffage et actualisation de l’écran suffisent normalement pour résoudre le problème). Nous essayons également d’améliorer le logiciel système.
GreenCube 3:
Dans la nuit du 10 Février, nous avons lancé la charge utile du GreenCube3 sur un ballon à haute altitude. Conçu comme une plate-forme météorologique par des étudiants de Dartmouth College, GreenCube3 emportait un GPS et une batterie de LEDs à haute puissance. Les LEDs devaient permettre à la charge utile d’apparaitre comme une étoile artificielle. La quantité de vapeur d’eau dans l’air pouvait être déduite de la luminosité apparente des LEDs telle que mesurée par les télescopes au sol.
L’intention était de faire monter le ballon à ~ 40 000 pieds, puis à le faire revenir sur Terre sous parachute, où il serait récupéré le lendemain. Malheureusement les vents dominants empêchèrent le vol et imposèrent que la charge utile soit « retenue » au bout d’un filin de 300 pieds de long.
Après le coucher du soleil, le ballon fut gonflé, attaché à l’un des VTT de l’habitat, et conduit, à partir de là, vers l’Est. Le télescope de l’Observatoire Musk a ensuite été ciblé sur la charge utile et les LEDs ont été imagées à des distances différentes. Même à la distance d’un demi-kilomètre, notre étoile artificielle a semblé être la plus brillante du ciel. Les images prises ce soir-là seront ramenées à Dartmouth et analysées et GreenCube 3 montera à 70 000 pieds au-dessus des montagnes de la Nouvelle-Angleterre une fois que les vents auront recommencé à coopérer.
Prélèvement d’échantillons d’endolithes:
L’objet de ce projet consistait à recueillir des échantillons d’organismes endolithiques pour l’analyse génétique en laboratoire, après la mission. Les organismes endolithiques sont des microbes vivant juste au-dessous de la surface des roches. Des échantillons ont été prélevés dans sept sites différents dans un rayon de 5 kilomètres partant de l’habitat, allant de lits de torrents à sec, à des ravins et des affleurements de grès. Sur certains sites, des échantillons de colonies hypolithiques et des cyanobactéries ont également été recueillis sur les parois rocheuses externes, à fin de comparaison. Au cours des trois prochains mois, les gènes de l’ARNr 16S seront extraits en utilisant des promoteurs archéens et des cyanobactériens, et une électrophorèse sur gel en gradient dénaturant (DGGE), une technique environnementale connue, sera utilisée pour comparer la diversité génétique de chaque site d’échantillonnage. Si nous avons le temps, ils seront également séquencés et analysés afin de déterminer les espèces susceptibles d’être présentes dans les échantillons, et de comparer la diversité selon les différents sites, les conditions environnementales, et le type de roche.
Etude de perte d’immunité:
En coordination avec Laura Drudi, une étudiante en médecine à l’Université McGill et collègue de la session 2010 de l’Académie NASA, nous avons également participé à une étude sur les effets de l’isolement sur l’immunité. Cela a été fait en remplissant des questionnaires quotidiens et en enregistrant nos températures intra corporelles trois fois par jour. Laura collectera et analysera ces données après notre rotation.
Cartographie des carrefours des pistes:
Chaque année, les routes et les sentiers de VTT du San Rafael Swell disparaissent du fait des intempéries. L’équipage 99 est allé sur le terrain dans plusieurs directions pour reconnaître et enregistrer les coordonnées UTM de dix-sept carrefours pour la 10ème campagne de MDRS. La liste en est placée sur le bureau de l’ordinateur de l’Habitat sous le nom « MDRS Road Junctions ».
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Nous tenons à remercier les institutions dont les financements ont rendu cette expérience et la réalisation de ces projets de recherche possible: NASA Astrobiology Institute, Maryland Space Grant, Arizona Space Grant, Massachusetts Space Grant, Virginia Military Institute, Dartmouth College, et l’Université de Harvard.
Et, bien sûr, nous adressons un remerciement spécial à la Mars Society pour avoir confié son « Hab » à six étudiants pendant deux semaines ; le geste a été très apprécié!
C’est passionnant! Est-ce que tout le monde peut participer à une expédition à la MDRS?
Tout le monde…sous réserve d’avoir un projet à réaliser en équipe, que ce projet soit expliqué par écrit et bien documenté. Il faudra ensuite qu’il soit validé par une Mars Society et qu’il puisse s’insérer dans l’agenda des missions programmées pour la saison. Mais ne vous découragez pas, le but de ces bases et qu’elle serve une recherche utile à l’exploration de Mars par l’homme et nous ne cherchons pas à écarter les projets.