Parfois le calendrier fait que des annonces positives se suivent de près , ainsi après celle des projets d’Elon Musk pour atteindre Mars , c’est une équipe de deux chercheurs du GEOPS ( Orsay ) du CNRS Paris Sud, François Costard et Antoine Séjourné, avec la collaboration de deux planétologues de l’Université de l’Arizona et de Western University du Canada, qui vient d’indiquer la présence vraisemblable d’un réseau de rivières souterraines dans Utopia Planitia .
C’est par analogie avec des réseaux de rivières souterraines avec zones d’effondrements , ravins visibles sur l’île de Bylot (Nunavut, Canada ) dans une zone arctique puis par simulations numériques , que ces scientifiques sont parvenus à ces conclusions : des rivières souterraines ont dû exister sur Mars. Leurs travaux sont publiés par la revue Geomorphology. Ces travaux sont soutenus par le CNES et le Programme National de Planétologie du CNRS-INSU.
Mars est une planète froide où le sol est gelé profondément, avec un pergélisol qui se contracte lors des variations thermiques qu’il subit, ce qui forme des structures d’apparences polygonales en surface ( mais en forme de cônes en profondeur avec leur pointe vers le fond). Sur Terre, où ces structures existent également dans les régions polaires, les eaux de fontes les érodent ce qui crée un cheminement sinueux et des ravins d’effondrements , qui se voient depuis l’espace. Ce sont ces traces qui ont amené les chercheurs à appliquer à Mars ce qui se passe dans un environnement comparable sur Terre : la glace du pergélisol fond en profondeur et les écoulements souterrains suivent les fractures polygonales , ce qui crée des effondrements et des ravins en surface et constitue en sous sol un réseau de rivières souterraines .
A gauche traces d’écoulements le long de structures polygonales dans l’ile de Bylot dans l’arctique canadien (doc. E. Godin). A droite une structure d’apparence voisine sur Mars dans Utopia Planitia par 45° Nord, à la même échelle, sur une image prise par la caméra HiRISE de Mars Reconnaissance Orbiter (doc. NASA/JPL/Univ. of Arizona
Selon les modèle développés par les chercheurs, la croissance de la température quand on s’enfonce dans le sol a permis d’atteindre la température de liquéfaction de l’eau vers 150 m de profondeur, sous une couche de poussière isolante, créant des écoulements d’eau formant ainsi ces réseaux souterrains. Par la suite les vents martiens ont lentement déplacé la poussière, ce qui a révélé les effondrements et ravins qui étaient cachés en dessous.
Le communiqué du CNRS parle de “vastes réseaux de rivières souterraines“ de formes sinueuses car la fonte est plus importante à l’interface des cônes de sol gelés et guide ainsi les écoulements souterrains. Un document détaillé est disponible ici.
Les différentes étapes de la création du réseau souterrain et de la configuration du terrain en surface (Source : Actualités du CNRS-INSU)
L’équipe de chercheurs pense que ces réseaux de rivières souterraines datent de l’Amazonien et auraient une existence s’étageant de quelques milliers à des millions d’années mais c’est surtout ils n’excluent pas l’hypothèse que le réseau fonctionne encore actuellement, malgré la température et la pression martienne en surface, et que, peut-être en ce moment, au milieu de la plaine d’Utopia, coule une rivière souterraine ….
Cette étude avec ses conclusions est un espoir pour tous ceux qui espèrent trouver des traces de vie sur Mars, soit des formes de vies réfugiées dans les cavités que forment ces “vastes réseaux “ hydrographiques, soit que cela ait pu y laisser des fossiles dans des sédiments ou dans d’éventuelles concrétions ( il y a des sels, de la calcite, du gypse sur Mars ).
Sur Terre, les grottes ne sont pas éternelles, les concrétions les remplissent, les séismes les chamboulent, les eaux les remplissent de boues, l’érosion et le fluage des roches les font s’effondrer, alors les cavités des rivières souterraines de Mars sont, en termes géologiques, assez récentes.
Il resterait à savoir vers où débouchait – débouche encore ? – ce vaste réseau de rivières souterraines et dans quoi elles se déversaient.
La poussière, le régolite, étant présent un peu partout sur Mars, combien de réseaux souterrains de telles rivières y aurait-il encore dans le sol martien actuellement? Celui-ci a été découvert parce que la couche de poussière isolante a été enlevé par les (faibles) vents martiens, mais, sans cela, seuls quelques effondrements de cavités auraient peut-être été visibles, voire aucun …Et le vaste réseau serait resté insoupçonné, quasi impossible à détecter depuis l’espace …
Alors de quelle taille est le réseau hydrographique souterrain de Mars et jusqu’à quelle profondeur existe-il ? Et fonctionne-t-il encore ?
Comme souvent cette étude va amener de nouvelles interrogations, mais elle constitue une belle avancée dans nos connaissances de la planète rouge.
L’association Planète Mars a déroulé le 28 mai dernier une simulation d’exploration dans une grotte qui ressemblait à ce qu’on pouvait espérer trouver comme cavité sur Mars, c’est à dire des tubes de laves, mais maintenant c’est peut être dans des cavités et grottes creusées par l’eau ( avec des concrétions stalagmitiques peut-être bien, des gours etc…) que l’on peut envisager de telles simulations. Toutefois l’exploration de ces cavités serait certainement accompagnée par un protocole très rigoureux pour ne pas les contaminer par des micro-organismes terrestres.
Simulation d’exploration dans la grotte des Petites Dales, le 28 mai 2016 (doc. J. Barbier/I. Ebran/ Gargouille productions)
Puisqu’il semble que Mars soit sortie depuis peu (400 000 ans) d’une période glaciaire, avec plus de glace sur les sols, et que ces mêmes sols aient commencé à dégeler, on pourrait penser que ces réseaux de rivières souterraines sont encore actifs …Mais cela reste à prouver.
Le même hémisphère de Mars imaginé en période glaciaire à gauche et vu de nos jours à droite (doc. NASA)
En ce qui concerne les caractéristiques glaciaires d’Utopia Planitia voir également (en anglais) l’article d’Antoine Séjourné « Le paysage périglaciaire d’Utopia Planitia Mars » .
les émanations de méthane repéré sur la surface martienne , n’auraient elle pas un rapport avec des nappes d’eau souterraines ?
Si, bien sûr. le méthane pourrait provenir de la réaction de carbonates de magnésium avec de l’eau dans le cadre d’une serpentinisation de l’olivine.
Pour le moment on ne parle que de la présence de glace d’eau mais il n’est pas impossible qu’il y ait des ruissellements d’eau liquide qui rendent la réaction possible.