A l’automne de cette année va s’élancer vers la Planète rouge le gros rover MSL (Mars Science Laboratory). Sa mission est extrêmement ambitieuse, tant par la quantité d’instruments qu’il emporte que par les innovations technologiques retenues, en particulier le mode d’atterrissage, à l’aide d’une « grue volante »…
Parmi ces nombreux instruments scientifiques l’un d’entre eux, bien qu’il ne soit ni le plus sophistiqué ni le plus spectaculaire, mérite vraiment de retenir l’attention, il s’agit du RAD, pour Radiations Assessment Detector (instrument de mesure de l’environnement radiatif). En effet ce détecteur devrait, trente-cinq ans après les premiers atterrissages sur la planète, nous fournir enfin des relevés du niveau des radiations ionisantes prévalant à la surface de la planète. Trente-cinq ans, alors même que cette question des radiations constitue l’un de ces « monstres de l’espace » qui, à l’image de ceux que les navigateurs d’autrefois dessinaient sur les océans inconnus, hante les esprits des opposants aux vols spatiaux. Monstre aussi terrifiant que l’apesanteur qui, bien qu’étudiée en long et en large depuis un demi-siècle (nous fêtons le 50e anniversaire du vol de Gagarine cette année), est toujours agitée comme un épouvantail, alors même que le problème peut être éradiqué par une pesanteur artificielle centrifuge…
La question des radiations mérite certainement un approfondissement, d’une part en termes de caractéristiques physiques dans les différents environnements rencontrés (trajectoires interplanétaires, surface), d’autre part en ce qui concerne les effets biologiques des rayonnements.
Ce dernier point présente de grandes incertitudes car, jusqu’à récemment, nous n’avions que des estimations largement extrapolées pour évaluer ces effets, les rayonnements cosmiques présentant des caractéristiques très spécifiques, tant en termes d’énergie (avec des particules très énergétiques) qu’en termes de nature des particules (spécialement, des ions à noyau lourd, dont le fer). Les Américains, au moment de relancer l’exploration spatiale, ont d’ailleurs décidé de s’attaquer à cette lacune et ont construit un laboratoire dédié, où un accélérateur de particules sera utilisé pour étudier les effets sur des cellules vivantes.
L’ambiance radiative créée sur Mars par le rayonnement cosmique et (occasionnellement) par les événements paroxysmiques solaires est influencée par deux facteurs : l’atmosphère et le sol. L’atmosphère, bien que relativement ténue, constitue un écran significatif, son épaisseur verticale représentant une masse d’environ 28 g / cm² de surface au sol, masse équivalente à celle d’un écran de 28 cm d’eau liquide (évidemment, cette quantité s’accroît dès que l’on s’incline par rapport à la verticale). Mais l’effet de cet écran est complexe : d’une part les particules incidentes perdent de leur énergie par choc avec les molécules atmosphériques, mais d’autre part ces collisions peuvent produire des particules secondaires, dont des neutrons ; le rayonnement résultant est certes atténué, mais sa composition modifiée.
Le sol, quant à lui, a également deux effets opposés : géométriquement, il occulte la moitié de la sphère céleste, divisant ipso facto par deux la dose endurée dans le vide interplanétaire. Par contre, les particules parvenant jusqu’au sol peuvent réagir avec lui, conduisant à l’émission secondaire de neutrons ou de rayons gamma.
La complexité de l’ensemble de ces phénomènes permet de comprendre la difficulté qu’il y a à prédire le dosage à attendre en surface et l’intérêt que présente l’expérience RAD. Néanmoins des modèles numériques, très détaillés en ce qui concerne la représentation des phénomènes physiques (collisions des particules), nous permettent d’être optimistes. L’illustration ci-dessous montre les résultats de ces calculs complexes. Fait remarquable, on remarque que les ordres de grandeur calculés sont du même ordre de grandeur que ceux relevés à bord de la Station Spatiale (0,45 mSv/jour, soit 16,5 Rem/an) ! Y a-t-il vraiment de quoi déclarer que l’ambiance radiative sur Mars est un « show stopper » ? Ces résultats permettent d’être optimistes, même si les modèles physiques restent encore à valider par les mesures in situ et les effets biologiques à mieux caractériser par les études en laboratoire.
Notons bien que l’unité utilisée, le Rem (= 1 cSv), combine une grandeur physique (l’énergie absorbée) et un facteur empirique caractérisant l’effet biologique du type de rayonnement considéré. Cela montre que, quelle que soit la précision des modèles physiques, l’incertitude biologique doit être réduite.
On observe que les doses annuelles encourues varient beaucoup avec l’altitude du terrain, ce qui est attendu, puisqu’en haut d’Olympus Mons, par exemple, l’épaisseur du manteau atmosphérique est bien moindre que dans les basses plaines de Nord.
crédits images : NASA/JPL, sauf 2e : Delta-UTEC SRC.