Communiqué de Presse de la NASA du 8 juin 2015.
par Guy Webster, Jet Propulsion Laboratory / Dwayne Brown, NASA Headquarters / Kevin Stacey Brown University.
Traduction Pierre Brisson
Un satellite de la NASA détecte du verre d’impact à la surface de Mars
En bref:
– on a détecté dans des observations faites par le satellite Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA, des dépôts de verre dans certains cratères d’impact martiens.
– le verre d’impact pourrait préserver les preuves d’une éventuelle vie martienne passée.
Le satellite Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) de la NASA a détecté des dépôts de verre à l’intérieur de cratères d’impact martien. Bien que formés dans l’énorme chaleur d’un choc très violent, de tels dépôts pourraient ouvrir une fenêtre discrète sur la possibilité d’une vie passée à la surface de la Planète rouge.
Détection de verre par CRISM dans le cratère Alga (doc. NASA/JPL-Caltech/JHUAPL/Univ. of Arizona)
Au cours des dernières années, la recherche a montré qu’ici, sur Terre, des traces de vie passée ont été préservées à l’intérieur de verre d’impact. Une étude de 2014 menée par Peter Schultz de Brown University (Providence, Rhode Island) a mis en évidence des molécules organiques et des matières végétales enfermées dans un verre formé par un impact qui a eu lieu il y a des millions d’années en Argentine. Schultz a suggéré que des processus similaires ont pu préserver des traces de vie sur Mars, si elles étaient présentes au moment de l’impact.
Deux de ses collègues de Brown University, Kevin Cannon et Jack Mustard, se fondant sur cette recherche, détaillent et commentent leurs données sur le verre d’impact martien dans un rapport maintenant en ligne dans la revue Geology.
Selon Cannon, «le travail accompli par Pete, et d’autres, nous a montré que les verres sont potentiellement importants pour la préservation des biosignatures. Sachant cela, nous avons voulu les rechercher sur Mars et c’est ce que nous avons fait et rapporté dans ce document. Avant ce papier, personne n’avait été en mesure de les détecter avec certitude à la surface. »
Cannon et Mustard ont montré que d’importants dépôts de verre sont présents sur Mars dans plusieurs cratères anciens mais bien conservés. Identifier les dépôts vitreux n’a pas été une tâche facile. Pour distinguer les minéraux et types de roches à distance, les scientifiques étudient les spectres de la lumière réfléchie par la surface de la planète. Mais le verre d’impact ne présente pas de signal spectral très marqué.
« Les verres ont tendance à être pâles ou faiblement expressifs en terme de spectrographie, de sorte que les signaux perçus de ce matériau tendent à être cachés par ceux reçus des morceaux de roche mélangés avec lui » déclare Mustard. « Mais Kevin a trouvé une façon de mettre en évidence ces signaux faibles ».
Cannon a mélangé en laboratoire des poudres d’une composition semblable à celle des roches martiennes et les a cuit dans un four pour en faire du verre. Il a ensuite mesuré le signal spectral de ce verre.
Après avoir acquis le signal de ce verre de laboratoire, Mustard a utilisé un algorithme pour repérer des signaux similaires dans les données du spectromètre CRISM (Compact Reconnaissance Imaging Spectrometer) de MRO, pour lequel il est le P.I. (responsable) adjoint.
La technique a mis en évidence des dépôts dans plusieurs pics centraux de cratères martiens, ces formations rocheuses qui se forment souvent dans le centre de ces bassins à l’occasion d’un impact important. Le fait que ces dépôts aient été trouvés dans des pics centraux est un bon indicateur qu’ils ont été causés par un impact.
Sachant que le verre de l’impact peut préserver des traces anciennes de la vie – et sachant maintenant que de tels dépôts existent à la surface martienne actuelle – fait envisager une nouvelle stratégie potentielle dans la recherche de la vie martienne passée.
Selon Jim Green, directeur de la division des sciences planétaires de la NASA au siège de l’agence, à Washington, « l’analyse des chercheurs suggère que les dépôts de verre sont des caractéristiques d’impact relativement communes sur Mars. Ces zones pourraient être des cibles de l’exploration future de nos explorateurs scientifiques robotiques, ouvrant la voie aux missions habitées dans les années 2030 ».
Un des cratères contenant du verre, nommé Hargraves, est situé près du rift de Nili Fossae, une dépression de 650 km de long. La région est l’une de celles qui prétendent au site d’atterrissage pour le rover Mars 2020 de la NASA, une mission qui doit mettre en réserve (en « cache ») des échantillons de sol et de roche pour les rapporter éventuellement sur Terre.
Le rift de Nili Fossae est déjà un site intéressant sur le plan scientifique car on pense que dans cette région, la croûte date d’une époque où Mars était une planète beaucoup plus humide. Il présente aussi ce qui semble être d’assez nombreuses fractures hydrothermales anciennes, des évents chauds qui auraient pu fournir l’énergie pour permettre à la vie de prospérer juste sous la surface.
Selon Mustard, « s’il y a eu un impact qui a creusé et échantillonné cet environnement souterrain, il est possible que certains de ses éléments soient conservés dans un composant vitreux. Cela fait de cet endroit un endroit assez convaincant pour aller regarder de plus près et peut-être en faire revenir un échantillon. »
MRO étudie Mars avec CRISM et cinq autres instruments depuis 2006.
Détail d’une des zones à verres : un tableau abstrait (doc. NASA/JPL-Caltech/JHUAPL/Univ. of Arizona)
Commentaire.
On savait déjà que les pics centraux des grands cratères étaient des cibles d’exploration car ils font remonter à la surface les roches profondes sous-jacentes. Par exemple le pic du cratère Leighton, étudié par Joseph Michalski et Paul Niles (in Nature Geoscience Oct. 2010) qui a un diamètre de 65 km pourrait exposer des roches provenant de 6 km sous le sol du fond du cratère. Or l’on sait que la période qui a été la plus favorable à l’éclosion de la vie, est celle où l’atmosphère de Mars était épaisse et l’environnement relativement chaud, donc celle qui a suivi l’accrétion de la planète (Noachien ou Phyllosien), avant 4 milliards d’années. Les roches de cette période affleurent partout dans l’hémisphère sud mais nous n’y avons pas encore accès (altitude trop élevées de ces terres). Dans l’hémisphère nord elles ont été recouvertes par les flux cataclysmiques ultérieurs et par les nappages de lave.
Ces pics centraux encore mieux que le fonds des cratères profonds sont donc clairement l’accès qui nous est offert à ces terrains. L’étude des verres serait particulièrement intéressante si dans ce contexte ils ont pu encapsuler des matières organiques significatives. Certaines météorites parvenues jusqu’à nous, dont celle de Tissint récemment étudiée et qui contient des matières organiques dite « kérogènes » qui pourraient être d’origine biologique, l’ont d’ailleurs amorcée.
Pierre Brisson