Traduction du texte paru sur le site JPL: http://www.jpl.nasa.gov/news/news.php?release=2014-042
Un satellite de la NASA tournant autour de Mars a envoyé des éléments pour comprendre des phénomènes saisonniers qui suggèrent fortement que de l’eau liquide pourrait exister aujourd’hui sur la planète rouge.
Ces phénomènes sont les sortes de doigts sombres qui progressent vers le bas de certaines pentes martiennes lorsque les températures augmentent. Les nouveaux éléments sont les changements saisonniers qui affectent les minéraux de fer sur les mêmes pentes, constatés lors de relevés de températures du sol et en liaison avec certains autres effets apparents sur des sites actifs. Ceci suggère que des saumures comprenant un antigel à base d’un minéral ferreux, tel que le sulfate ferrique, peut s’écouler à certaines saisons, bien qu’il puisse encore y avoir d’autres explications possibles .
Sur cette image HiRISE Mars Reconnaissance Orbiter de la région du cratère Palikir sont superposées les mesures du spectromètre imageur CRISM situé également à bord de MRO. La couleur rose/pourpre indique l’intensité du signal d’absorption de la lumière à 920 et 530 nanomètres. Le signal est plus important quand les écoulements sont actifs. Or l’absorption à 530 nanomètres est caractéristique de produits ferriques qui seraient donc impliqués dans les écoulements. (Doc. NASA/JPL-Caltech/UA/JHU-APL)
Les chercheurs appellent ces flux sombres « Recurring Slope Lineae »(Lignes récurrentes sur pentes), « RSL ». Cet acronyme est en conséquence devenu l’un des sujets les plus « chauds » dans les réunions de scientifiques spécialistes de Mars.
« Nous n’avons toujours pas une preuve irréfutable de la présence d’eau dans les RSL, même si nous ne voyons pas bien comment ce processus pourrait se produire sans eau »,déclare Lujendra Ojha, un étudiant de troisième cycle à l’Institut de Technologie de Géorgie, Atlanta, et auteur principal de deux nouveaux rapports sur ces flux. Il les a découverts lorsqu’il préparait sa licence à l’Université d’Arizona, Tucson, il ya trois ans, sur des images de la caméra HiRISE embarquée sur le satellite MRO de la NASA.
Ojha et James Wray, professeur adjoint de Georgia Tech, ont examiné récemment 13 sites de RSL confirmés, en utilisant des images du spectromètre ( CRISM)embarqué sur le même satellite. Ils ont cherché les minéraux que les RSL pourraient laisser dans leur sillage, afin de comprendre la nature de ces phénomènes, plus précisément pour savoir s’ils pourraient avoir une relation avec l’eau.
Ils n’ont trouvé aucune signature spectrale liée à l’eau ou à des sels. Mais ils ont bien trouvé des signatures spectrales distinctes et cohérentes de minéraux ferriques et ferreux dans la plupart des sites. Ces minéraux contenant du fer étaient plus abondants ou présentaient des tailles de grains particulières dans les matériaux liés aux RSL par comparaison à des pentes sans RSL. Ces résultats figurent dans un article publié dans la revue Geophysical Research Letters .
Selon Ohja: « Tout comme les RSL eux-mêmes, la force des signatures spectrales varie selon les saisons. Elles sont plus grandes quand il fait plus chaud et moins quand il fait plus froid ».
Une explication possible de ces changements est un tri dans la taille des grains, comme l’enlèvement de la poussière fine de la surface, qui pourraient résulter d’un processus soit humide, soit sec. Deux autres explications possibles sont une augmentation du composant (ferrique) le plus oxydé des minéraux, ou un assombrissement général résultant de l’humidité. Chacune indiquent de l’eau même si aucune trace n’en a été détectée directement. Les observations spectrales pourraient manquer la présence de l’eau car les flux sombres sont beaucoup plus étroits que la zone de sol analysée à chaque lecture de CRISM. En outre, les observations orbitales n’ont été faites que l’après-midi et elles ont pu manquer l’humidité du matin.
L’hypothèse principale pour expliquer ces caractéristiques est un écoulement d’eau à proximité de la surface, maintenue liquide par des sels abaissant le point de congélation de l’eau pure. « Un flux d’eau, même saumâtre, n’importe où sur Mars aujourd’hui, serait une découverte majeure, impactant notre compréhension des variations climatiques sur Mars et pouvant indiquer des habitats potentiels pour la vie, près de la surface de la Mars moderne », déclare Richard Zurek du JPL, chef de projet scientifique de MRO.
Exemple d’écoulements actifs détectées par MRO. Voir, en anglais, http://www.jpl.nasa.gov/news/news.php?release=2013-361 (Doc. NASA/JPL-Caltech/university of Arizona
Dans une étude sur le même sujet, objet d’un document qui sera publié par la revue Icarus le mois prochain, les scientifiques de Georgia Tech et leurs collègues de l’Université de l’Arizona, du Bureau de Recherche Géologique des Etats-Unis en Arizona ainsi que des chercheurs de l’Académie polonaise des sciences à Varsovie, rapportent avoir utilisé MRO et l’orbiteur Mars Odyssey de la NASA pour rechercher à caractériser les cas (emplacement et durée) où les flux saisonniers sombres pourraient exister sur Mars. Leurs résultats indiquent que de nombreux sites avec pentes, latitudes et températures correspondant à des sites connus de RSL, n’en ont apparemment pas.
Ils cherchaient dans des zones qui étaient idéales pour la formation de RSL, dans les latitudes moyennes de l’hémisphère sud, sur le flanc de falaises rocheuses. Ils ont trouvé 200 reliefs de ce type, mais presqu’aucun n’avait de RSL. «Seulement 13 de ces 200 sites montraient des RSL certains», déclare Ojha . « Le fait que les RSLs ne se produisent que dans quelques rares sites et pas dans d’autres, indiquent que des facteurs inconnus supplémentaires tels que la disponibilité d’eau ou de sels peuvent jouer un rôle crucial dans leur formation ».
Ils ont comparé leurs nouvelles observations avec des images des années précédentes et ont constaté que les RSL sont beaucoup plus abondants certaines années que d’autres.
Selon Wray, «la NASA s’attache à « suivre l’eau » dans l’exploration de la planète Rouge. On aimerait donc savoir à l’avance quand et où elle apparaîtra. Les RSL ont ravivé l’espoir d’accéder à de l’eau, sur la Mars d’aujourd’hui mais la prévision de conditions humides reste un défi ».
Commentaire :
Il me semble qu’il faudrait évidemment faire une analyse biochimique du sol à la source et en dessous de ces RSL. Il y a cependant un problème : ces RSL sont situés par définition sur des pentes très raides. Pour résoudre le problème d’accès à ces pentes, l’association Planète Mars expérimente depuis longtemps un Véhicule de Reconnaissance de Paroi . On peut imaginer qu’un tel véhicule pourrait être équipé d’une pelle pour extraire les échantillons. La NASA a aussi imaginé des véhicules robotiques pour ce genre d’opérations mais évidemment s’ils pouvaient être opérés par un astronaute, l’efficacité de la recherche serait décuplée.
A gauche le véhicule de reconnaissance de Paroi de l’association en essais au Maroc lors de la simulation ÖWF en février 2013. A droite un concept NASA de véhicule robotisé pour reconnaissance de paroi (docs APM – NASA)