Zubrin défie Chang Diaz de venir débattre de VASIMR avec lui.
Traduction Pierre Brisson
Dans un article éditorial majeur intitulé «La tromperie VASIMR » paru dans le numéro du 13 Juillet 2011 de l’hebdomadaire Space News, le Dr Robert Zubrin, président de la Mars Society, a dénoncé les allégations avancées par les partisans du système de propulsion VASIMR selon lesquelles celle-ci serait la technologie clé nécessaire pour permettre les missions habitées sur la planète Mars et il a convié l’inventeur de VASIMR, le docteur Chang Diaz, à venir défendre ces allégations dans un débat public.
(doc. NASA)
Que le Dr Diaz ou l’un de ses associés accepte d’y participer ou non, le débat, intitulé «VASIMR: arme magique ou Intox », aura lieu le jeudi 4 août 2011 après midi dans le cadre de la quatorzième convention annuelle de la Mars Society, à l’hôtel Embassy Suites, Dallas (Texas). L’inscription à la Convention qui se déroulera du 4 au 7 août et comprendra plus de 50 autres présentations et débats, est maintenant ouverte sur le site www.marssociety.org.
Vous pouvez lire le texte intégral (en Anglais) de l’article du Dr Robert Zubrin dans Space News à l’adresse: http://spacenews.com/commentaries/110711-vasimr-hoax.html.
La tromperie VASIMR
Par le Dr Robert Zubrin (Space News du 13 Juillet 2011).
« Le développement de nouveaux systèmes de propulsion sera critique pour l’exploration de l’Espace profond. » – Président américain Barack Obama, Kennedy Space Center, le 15 avril 2010
L’administration Obama affirme qu’elle est en train de développer un nouveau système de propulsion innovant, connu sous le nom de « VASIMR », qui est le seul à même de permettre à des astronautes d’aller sur Mars en toute sécurité et rapidement. Elle nous dit que nous ne pourrons pas aller sur Mars tant que nous ne disposerons pas de ce système révolutionnaire mais qu’il suffit d’attendre, qu’il est bientôt prêt et qu’une fois qu’on l’aura, tout sera possible.
Washington est une ville connue pour sa fumée et ses miroirs, mais rarement une telle fausseté a été présentée comme fondement d’une politique de la Science.
VASIMR (acronyme pour «Variable Specific Impulse Magnetoplasma Rocket») n’est pas un nouveau concept. Bien au contraire, cela fait trois décennies qu’il fait l’objet de recherches très coûteuses aux frais du gouvernement, par son inventeur, Franklin Chang Diaz. Plus important encore, il n’est ni révolutionnaire, ni particulièrement prometteur. Au contraire, c’est juste un ajout à la famille des propulseurs électriques qui convertissent l’énergie électrique en poussée, mais il est nettement inférieur à ceux que nous avons déjà.
(doc. NASA)
Les propulseurs ioniques existants atteignent couramment 70 pour cent d’efficacité et ont été utilisés avec succès pour des milliers d’heures aussi bien sur banc d’essai que dans l’Espace. En revanche, après 30 ans de recherche, le VASIMR a seulement obtenu environ 50 pour cent d’efficacité sur banc d’essai lors d’allumage de quelques secondes et seulement à impulsion spécifique élevée. Lorsque l’impulsion spécifique est réduite, le rendement chute en proportion directe. Cela signifie que la revendication vantée bruyamment (mais toujours douteuse) selon laquelle VASIMR pourrait offrir des avantages significatifs pour une mission [dans l’espace profond] en permettant plus de poussée en échange d’une réduction d’impulsion spécifique est tout simplement fausse. En revanche, cette capacité a été démontrée par la propulsion ionique utilisée pour permettre à la sonde Dawn d’atteindre un astéroïde. Enfin, s’il doit être utilisé dans l’Espace, VASIMR aura besoin d’aimants supraconducteurs à haute température réalisables, ce qui n’existe pas.
Mais attendez, il y a plus. Pour que VASIMR réalise sa performance claironnée d’atteindre Mars après un voyage de 39 jours, Chang Diaz présume qu’il dispose d’un système de réacteur nucléaire d’une puissance de 200 000 kilowatts et d’un ratio puissance/masse de 1000 watts par kilogramme. En fait, le plus grand réacteur nucléaire spatial jamais construit, le soviétique Topaze, avait une puissance de 10 kilowatts et un rapport puissance/masse de 10 watts par kilogramme. Il n’y a donc aucun fondement pour croire en la faisabilité du système énergétique fantaisiste de Chang Diaz.
Les réacteurs nucléaires spatiaux d’une puissance de 50 à 100 kilowatts et d’un ratio de puissance/masse de 20 à 30 watts par kilogramme, sont réalisables et auraient une valeur considérable pour équiper des sondes à haut débit d’informations envoyées à l’extérieur du système solaire ainsi que pour servir de source fiable d’énergie de surface à une base sur Mars. Cependant, plutôt que de dépenser ses dollars en recherche sur une telle technologie, réellement utile, l’administration a choisi de financer VASIMR.
Aucun système de propulsion électrique, ni le médiocre VASIMR, ni ses moteurs ioniques concurrents (pourtant supérieurs), ne peut réaliser de voyage rapide vers Mars parce que le rapport poussée/poids de tout système d’apport en énergie réaliste (même sans charge utile) est beaucoup trop faible. Si l’on suppose un nombre avantageux mais potentiellement réaliste (50 watts par kilogramme), le vaisseau électrique nucléaire hypothétique de 200.000 kilowatts de Chang Diaz aurait une masse au lancement de 7.700 tonnes dont 4.000 tonnes pour un réacteur de haute technologie très coûteux et très radioactif nécessitant l’univers parallèle virtuel d’un système de maintenance logé dans une infrastructure orbitale futuriste. Pourtant, il ne pourrait toujours pas aller sur Mars plus rapidement que les 6 mois mis par la sonde Mars Odyssey en 2001en utilisant la propulsion chimique, voyage qui pourrait être facilement réalisé par un équipage humain lancé directement vers Mars par un lanceur lourd pas plus avancé que le Saturn V (140 tonnes en orbite) utilisé pour envoyer des astronautes sur la Lune dans les années 1960.
Cela dit, le fait que l’administration ne fasse pas d’effort pour développer quelque réacteur nucléaire spatial que ce soit, à commencer par le moteur gigantesque et super avancé nécessaire au fonctionnement de VASIMR, démontre que le programme est mené sur de fausses prémisses.
Loin de permettre une mission humaine vers Mars, VASIMR est principalement utile comme écran de fumée pour ceux qui souhaitent éviter que l’on se lance dans un tel programme. Pourtant, leur position est entièrement fallacieuse parce qu’en réalité, il n’est pas nécessaire de développer un système de propulsion plus rapide avant que les être humains puissent s’aventurer vers la planète rouge. Comme indiqué précédemment, le temps de transit actuel pour un voyage est de six mois, exactement le même que la rotation de l’équipage standard sur la station spatiale. La trajectoire qui permet un transit de six mois est en fait la meilleure à utiliser pour un équipage humain, car elle permet une orbite de retour libre (c.à d. sans propulsion), un élément de sécurité important qui manque à une trajectoire plus rapide. Ainsi, même si nous avions une technologie de propulsion véritablement supérieure et réaliste, comme la propulsion nucléaire thermique (« NTP ») que l’administration Obama ne développe pas non plus, nous devrions utiliser la capacité supplémentaire qu’elle nous offrirait, pour augmenter la charge utile de mission, plutôt que pour raccourcir la durée du voyage.
L’argument selon lequel nous devrions aller beaucoup plus vite pour éviter les rayons cosmiques peut être démontré comme faux, comme le prouve non seulement une analyse standard du risque de radiation qui estime à environ 1 pour cent le risque de cancer résultant d’une dose de 50 rem que les astronautes recevraient durant un aller-retour Terre/Mars, mais aussi par le fait qu’environ une douzaine d’astronautes et cosmonautes ont déjà reçu une telle dose cumulée de rayons cosmiques pendant leurs vols répétés sur la Station Spatiale Internationale ou sur Mir et que, comme on pouvait le prévoir, aucun d’entre eux n’a souffert d’effet radiologique négatif constatable sur sa santé.
N.B : les doses de rayonnements cosmiques sur la station spatiale sont égales à une bonne moitié de celles auxquelles on s’expose dans l’espace interplanétaire (la moitié parce que la Terre ne bloque que la moitié du ciel et que le champ magnétique terrestre ne protège pas efficacement contre les rayons cosmiques). En conséquence, au cours des 10 prochaines années, les équipages de la Station spatiale recevront la même quantité (en personnes/rems) de rayonnement cosmique que celle qu’auraient reçu cinq équipages de même taille faisant un aller retour Terre/Mars pendant la même période.
Quand à ce qui concerne le déconditionnement après séjour en gravité nulle, la réponse réaliste consiste simplement à le prévenir entièrement en mettant le vaisseau spatial en rotation afin de créer une gravité artificielle plutôt que de gaspiller des décennies de travail et de dépenser d’énormes sommes dans un effort futile pour développer un moteur à distorsion (« warp drive »).
La NASA a dépensé beaucoup sur VASIMR mais le coût réel n’en est pas les dizaines de millions dépensés sur le propulseur mais les dizaines de milliards qui seront gaspillées du fait que le programme de vols habités reste coincé en orbite terrestre pour un avenir indéterminé, n’accomplissant rien du tout en attendant qu’une vision fausse se matérialise. C’est pourquoi, aussi déplaisant que cela puisse être, cette illusion doit être mise en évidence.
La Mars Society organise son prochain congrès international, à Dallas du 4 au 7 août 2011. Actuellement nous avons prévu un panel de discussion intitulé: « VASIMR: Arme magique ou Intox ». J’invite Chang Diaz et un de ses collègues à venir y participer comme deux des quatre participants prévus, pour défendre le réalisme de leur concept dans le cadre d’un débat public formel.
Que la vérité prévale !
Robert Zubrin est président de la Mars Society (www.marssociety.org) et l’auteur de « The Case for Mars: Plan pour l’établissement de l’homme sur Mars; pourquoi cela est-il notre devoir de l’appliquer». Une édition mise à jour vient d’en être publiée par « The Free Press ».
En ce qui concerne VASIMR voir également sur le site de l’association :https://www.planete-mars.com/la-conference-du-7-avrilla-propulsion-spatiale-vasimr/
Toujours ce problème de production d’énergie! Il serait temps que l’on se penche dessus quelque soit le mode de propulsion utilisé car les répercussions vont au delà du secteur spatial. Quant à la vitesse, n’a t’on pas colonisé l’Amérique avec des voiliers!
Il ne suffit pas de « se pencher » sur un problème pour le résoudre. Si l’on veut aller sur Mars, nous avons le choix entre y aller dans les dix ans avec la propulsion chimique ou attendre d’avoir trouvé un moyen génial de produire beaucoup d’énergie avec très peu de masse avant d’envisager le voyage (solution retenue aujourd’hui par le gouvernment américain). Le problème est que, quand on aura trouvé la solution miracle, on aura peut-être plus du tout envie d’aller sur Mars. Voyez déjà tous les scrupules que l’on a à exposer les êtres humains au moindre risque, où la prioritisation très forte des problèmes sociaux ou des problèmes de santé.
Miser tout sur une hypothétique propulsion révolutionnaire est très habile de la part du gouvernement américain. En pariant sur des technologies futuristes, cela permet d’affirmer de très grandes ambitions spatiales tout en repoussant sine die ces mêmes ambitions. En somme un miroir aux alouettes pour mieux faire digérer l’annulation des programmes.
Je constate que le moteur VASIMR est la plus grande solution trouvée pour aller sur mars de tout es temps