(Traduction de l’article NASA JPL du 20 mars et commentaire de Pierre Brisson)
De nouvelles recherches de la NASA révèlent que le volcan martien géant Arsia Mons a produit un nouveau flux de lave tous les 1 à 3 millions d’années pendant son pic final d’activité. La dernière phase a cessé il y a environ 50 millions d’années –soit environ l’époque, sur Terre, de l’extinction du Crétacé-Paléogène, quand un grand nombre d’espèces végétales et animales de notre planète (y compris les dinosaures) ont disparu.
Situé juste au sud de l’équateur de Mars, Arsia Mons est le membre le plus méridional d’un trio de grands volcans-boucliers aux pentes douces collectivement connus comme les Monts Tharsis. On sait qu’Arsia Mons a été construit au long de milliards d’années, bien que les détails de son cycle de vie soient encore en cours d’élaboration. On pense que l’activité volcanique la plus récente a eu lieu dans sa caldera – la dépression en forme de cuvette au sommet – où 29 évents volcaniques ont été identifiés. Jusqu’à présent, il était difficile de faire une estimation précise de l’époque où ce champ volcanique avait été actif.
Arsia Mons et la région autour. Tout en haut on aperçoit le Sud de Pavonis Mons. A droite en haut Noctis Labyrinthus marque l’extrémité Ouest du grand canyon Valles Marineris. Le plateau de Tharsis sur lequel s’élèvent ces volcans martiens a une altitude de 10 km. Cette image qui provient de l’orbiteur Viking 1 s’étend sur -30/0° de latitude et 90/135° de longitude. (Doc. NASA/JPL/USGS)
« Nous estimons que le pic d’activité du champ volcanique au sommet d’Arsia Mons s’est déroulé il y a environ 150 millions d’années – à la fin de l’ère Jurassique sur Terre. Cette activité s’est achevée à peu près lorsque les dinosaures ont disparu sur notre planète », a déclaré Jacob Richardson, chercheur postdoctoral au Goddard Space Flight Center de la NASA à Greenbelt, au Maryland. « Il est possible, cependant, que les derniers évents volcaniques aient été actifs durant les 50 millions d’années, ce qui est très récent en termes géologiques. »
Richardson a présenté ces résultats à la Lunar and Planetary Science Conference qui a eu lieu le 20 mars 2017 àWoodlands, au Texas. L’étude est également publiée dans les Earth and Planetary Science Letters.
Avec un diamètre d’environ 110 kilomètres, la caldera est assez profonde pour contenir un peu plus que tout le volume d’eau du lac Huron (3500 km3). L’examen des caractéristiques volcaniques de la caldera nécessitait une imagerie à haute résolution ; les chercheurs en ont disposé avec la « caméra de contexte » du Mars Reconnaissance Orbiter de la NASA.
Des études récentes conduites sur les images transmises par Mars Reconnaissance Orbiter ont indiqué que les dernières émissions de lave d’Arsia Mons dataient d’environ 50 millions d’années. Cette vue a été prise par l’orbiteur Viking 1. (Doc.NASA/JPL/USGS).
L’équipe a cartographié les limites des coulées de lave de chacun des 29 évents volcaniques et déterminé la stratigraphie, ou stratification, des coulées. Les chercheurs ont également effectué un comptage des cratères d’au moins 100 mètres de diamètre afin d’estimer l’âge des coulées.
Utilisant un nouveau modèle informatique développé par Richardson et ses collègues de l’Université de South Florida, les deux types d’information ont été combinés pour déterminer les séquences d’éruptions pour les 29 évents d’Arsia Mons. Il en ressort que les flux les plus anciens datent d’environ 200 millions d’années et que les plus jeunes se sont probablement produits il y a 10 à 90 millions d’années – probablement il y a environ 50 millions d’années.
La modélisation a également donné des estimations de volume des flux pour chaque coulée. À leur maximum, il y a environ 150 millions d’années, les évents de la caldera d’Arsia Mons produisaient probablement environ 1 à 8 kilomètres cubes de magma tous les millions d’années, accroissant ainsi lentement la masse du volcan.
«Pensez-y comme à un robinet de magma qui fuit lentement, dit Richardson. « Arsia Mons a au mieux créé environ un évent volcanique tous les 1 à 3 millions d’années, comparé à un tous les 10.000 ans dans des régions semblables sur Terre ».
Une meilleure compréhension de l’époque où l’activité volcanique sur Mars a eu lieu est importante car elle aide les chercheurs à comprendre l’histoire de la planète rouge et sa structure interne.
Selon Jacob Bleacher, géologue planétologue à Goddard et co-auteur de l’étude, « l’un des principaux objectifs de la communauté des volcanologues spécialistes de Mars est de comprendre l’anatomie et le cycle de vie des volcans de la planète. On constate qu’ils montrent des signes d’activité sur une période plus longue que ceux de la Terre mais que leur historique de production magmatique peut être très différent. Cette étude nous donne un autre indice sur la façon dont l’activité d’Arsia Mons s’est terminée et comment l’énorme volcan est devenu calme».
Une vue de détail HiRISE de la caldeira d’Arsia Mons
Commentaire :
La NASA nous donne un peu plus d’information sur le volcanisme martien. Comme à son habitude elle dramatise maladroitement sa communication*. La coïncidence avec l’extinction des dinosaures sur Terre est en effet inutile (pour donner une idée de la profondeur du temps ?) et fausse car les dinosaures ont disparu il y a 66 millions d’années et les dernières coulées de lave d’Arsia Mons remontent à environ 50 millions d’années ! Passons !
Ce qui est plus intéressant c’est de noter quand même l’ancienneté de ces coulées. Certes 50 millions d’années est une durée relativement courte en termes planétologiques mais c’est quand même beaucoup par rapport aux « quelques » millions que beaucoup de spécialistes avançaient précédemment. Ceci est d’autant plus important qu’Arsia, le volcan le plus au Sud du socle de Tharsis, est sans doute le volcan le plus récent de l’ensemble et comme Tharsis a été avec Olympus Mons la principale source d’épanchements volcaniques de la planète, cela veut dire que la croûte est devenue trop épaisse depuis environ 50 millions d’années, empêchant ainsi tout renouvellement notable de l’atmosphère (le volcanisme étant la seule source de son renouvellement). Comme celle-ci est très peu dense, tout volume perdu est sensible (notamment pour la présence d’eau liquide en surface) et nous arrivons sans doute bien à la fin de l’histoire de la vie de Mars (rappelons que les pertes atmosphériques sont actuellement de l’ordre de 100 grammes par seconde).C’est dommage pour le futur de Mars et les fantasmes de régénérescence de la planète que nous pourrions avoir, mais cela n’empêche pas que l’on puisse étudier les effets de l’eau liquide sur la Mars ancienne et que l’on puisse envisager d’y faire vivre des hommes à l’aide des réserves de glace qui subsistent en quantités « énormes ».
*le titre de l’article est « le volcan martien et les dinosaures terrestres se sont éteints à peu près en même temps »